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Entrevue avec Claude Schryer
Entrevue faite le 1er mars 2008 à la maison.
- Artiste, compositeur, travailleur culturel « at large ». Toujours plaisir à travailler avec le son en création et en production. Maintenant il aide les artistes avec un travail d’appui.
- Sa trame c’est le contexte. Quand petit : contexte social autant qu’artistique l’intéressaient. Il est stimulé par l’énergie et la spiritualité des situations. Entend mais surtout sent. Il agit instinctivement.
- Au début il faisait des œuvres, maintenant il fait des interventions, des actions, pour faire avancer des idées, souvent nouvelles idées. Il a développé des secteurs et se considère comme une sorte de pionnier, qui a des « visions » (en toute modestie). Voit en avant et développe stratégies vers une direction. Électroacoustique et écologie sonore. Voit, sent, agit.
- Pourquoi est-il allé en électro ? Amour des machines ?
Pas vraiment. C’est le medium qui est ouvert et qui permet une exploration ouverte, de contenus abstraits et contextuels. Possibilité de diffusion dans de nouveaux lieux. Métaphoriquement le médium lui convient bien. Le compositeur imagine des mondes. - La composition a toujours été un processus. S’embarque dans un voyage. Parfois le résultat est intéressant. Parfois non. Le processus vaut aussi quelque chose.
- Il est anti-moderniste. L’art en tout temps et non pas l’art à tout prix. La pérennité n’est pas son objectif.
- Son processus c’est de s’engager lui-même ainsi que le milieu (la société où il vit) dans un échange. Crée en organisant des conférences, organisant des concerts, en interagissant des rencontres. A toujours cru à interaction entre artistes, public et intervenants.
- Le début. Schryer a toujours su qu’il serait un musicien, un artiste. Clarinette, piano, Université Wilfrid Laurier. Très très actif.
- Premières œuvres électroacoustique s. 1981 : Banff Centre for the Arts. A été influencé par toute la culture interdisciplinaire. Culture très ouverte à Banff. Où le rêve est encouragé. Ensuite va à McGill : formation, électroacoustique, etc. Retour sur enfance à North Bay, la nature.
- Résume son parcours : musique instrumentale; musique mixte; électroacoustique, environnement vers écologie sonore. Son parcours évolue vers électracoustique puis déborde vers du plus social et il s’intéresse à des questions plus larges. Il y a une continuité dans tout son parcours qui est de développer du contenu et aider les artistes à positionner leur travail dans la société.
- N’a plus de pratique artistique. Fin d’un cycle en 1998 avec « Au dernier vivant les biens » (49 petites compositions). La boucle est bouclée.
- Dans les années 80 le milieu électracoustique était encore en développement. Electronic music (années 70) et en Europe, acousmatique, mais au Canada quelques bases, mais pas encore reconnues, c’était à part.
- Le groupe CEC, historiquement important. Al Mattes et Martin Bartlett. Le groupe avait le désir d’être reconnu professionnellement. Lobbying, conférence. Organise Convergences en 1987 (?). À la fin des années 80 l’audio numérique apparaît : un « coming of age » de l’électroacoustique.
- À la fin des années 70 il y avait ACREQ. Les années 80 permet le positionnement. Début de l’audio-numérique.
- Bande 1/4 de pouce, synthétiseur. Leur réalité. Allusion à empreintes DIGITALes et Jean-François Denis. N’a pas connu les débuts de l’électracoustique mais pas loin. On est rendu à autre chose maintenant.
- Son studio à l’époque. Son père lui donne de l’argent et il achète un DAT d-10 et un micro Ms 5 (?). Son instrument était le micro. Il a travaillé avec le Synclavier à McGill et a fait plusieurs œuvres électracoustique.
- L’œuvre la plus important au début des années 80 est « Dans un coin », pour clarinette et bande, qui est jouée une centaine de fois dans le cadre de GEMS. Allusion à « Just a pause ».
- Beaucoup d’œuvres pour instrument et bande. Plus tard il fera travail électracoustique pur. Synthèse et instrument (années 80). Ensuite microphone et tout le travail de paysage sonore (années 90).
- GEMS arrive à McGill en 1982 (il est de retour de Banff). Il rencontre John Oliver et alcides lanza est son prof. Qui a une idée… lanza désire former un groupe pour musiciens. Musique mixte. Organiser concerts de format coopératif de façon à s’autoproduire et collaborer. Pour jeunes et moins jeunes musiciens. Très bonne expérience pré-professionnelle à l’école.
- Produsaient aussi des concerts pour CBC. Travail professionel. Ils ont fait des disques commandé des œuvres. Entre autres :commande à Michel-Georges Brégent.
- « Nous sommes GEMS ». Influence de GEMS : fait le pont entre l’école « electronic music » et l’école acousmatique. Compositeurs francophones et anglophones, tels Laurie Radford, John Oliver, Brent Lee.
- Parfois musiques mixtes et/ou synchronisées. Développées en fonction des équipements de McGill. D’une part studio Moog et d’autre part un Disklavier (Paul Pederson est alors le doyen de la Faculté de musique de McGill), très performant. Alain Thibault a fait des œuvres là.
- Radio-Canada a été important aussi. Une époque très dynamique pour la musique contemporaine à Montréal.
- A fait le pont entre ACREQ, McGill-GEMS (musiques mixtes) et Concordia avec Kevin Austin (concert-diffusion et éducation). Encourage à reconnaître les milieux de Montréal incluant les anglophones et les alternatifs. Rappelle les questions qu’ils se posaient à l’époque sur les différentes communautés.
- Incluant le Centre de Musique Canadienne (CMC), etc.
- Faisait partie d’un groupe assez jeune qui est venu brasser les cartes un peu. Pousser la diversité, une sorte d’influence. Pas devenu institutionnel.
- Il a quitté GEMS pour retourner à Banff. Idem avec ACREQ. Va et vient.
- Allusion à Jean-François Denis et empreintes DIGITALes qui est une mémoire culturelle importante. Idem pour Concordia. Ces organismes jouent un rôle très important.
- Pas évident de retracer les influences. Contact avec Murray Schafer et influence. Il avait entendu « Requiem for a Party Girl ».
- Ensuite contact avec le World Soundscape Project. Livres et projets l’influencent d’abord. Allusion à Barry Truax et Hildegard Westerkamp. A revampé le profil du World Soundscape Project et y a contribué.
- A toujours une trame contextuelle. N’est pas un puriste abstrait, le concret l’inspire. Retour à « Dans un coin ».
- A travaillé avec R. Murray Schafer sur des œuvres et des projets. Fonde le World Forum for Acoustic Ecology avec lui en 1993. S’intéresse à écologies sonore et électroacoustique. Mais Schafer est toujours « en arrière ». Ce n’était pas une « révérence ». La vision de Murray qui l’inspire et le rôle de l’artiste.
- Il veut aller dans cette direction de la relation artiste et société, l’artiste peut y faire quelque chose. La vision de Schafer sur l’écologie sonore l’a beaucoup influencé. Et il veut faire partie de ce mouvement. Veut faire avancer cette idée du rôle important que l’artiste peut jouer en société. Prise de conscience et actions socio-politiques.
- Son intention n’était pas de créer des œuvres socio-politiques, mais de s’inspirer de problématiques sociales et de l’environnement pour réinterpréter dans un contexte musico-poétique. Prendre un microphone et enregistrer des sons urbains ou autres. « Je suis compositeur et m’inspire de l’environnement et veux réinterpréter ces sons dans un contexte musico-poétique. »
- Allusions à « Marche Sonore I » (1992). Anecdotes, histoires avec Robert Normandeau, Mauricio Kagel, Chantal Dumas, Luc Ferrari qui parlent d’écologie sonore. Mais son intention est d’abord intention musicale. Donne exemple de « Idea of North » de Glenn Gould. Ici c’est une fugue à partir de texte.
- Schryer travaille de manière instinctive et intuitive : le temps de la prise de son, le moment de l’œuvre, intérêts politiques, artistiques.
- Lien entre tradition européenne et concert live et écologie ?
Il ne s’intéresse pas au concert formel. Forme de méditation. Une stimulation sonore et un temps d’arrêt. Le rituel : on paie, on recoit stimuli sonore, etc. Il perd son intérêt pour le concert. - Il souhaite créer des expériences sonores en dehors de la salle de concert et se met à produire des concerts en plein air. 7e Printemps Électroacoustique (1992) : concert électracoustique dans de très grands espaces. Musiciens, bateaux, radio communautaire, etc., ce qui plaît à certains qui n’aiment pas aller au concert.
- « Orchestre de vélos ». Michel Smith, Pascal Dufaux et lui. Son intention et la difficulté de la chose.
- Allusion à Clair de Terre au Planétarium. ACREQ. Il portait attention à qui venait et à la qualité d’expérience et expérience d’écoute.
- A décroché de l’espace du concert, ça ne l’intéressait plus et il est allé vers autre chose.
- Schafer a posé les bonnes questions et l’a fait dans un contexte philosophique.
- Schryer aime capter gestes et événements, essayer de comprendre ce qu’il y a dans une situation acoustique, via le microphone. Le son : sa beauté et sa symbolisme.
- « El medio ambiente acustico e Mexico ». Son attitude et son état d’écoute. Il cherchait l’équilibre ou déséquilibre dans l’ écoute de l’environnement et ignore quel impact que ça a. « L’artiste fait ce que l’artiste fait ».
- Allusion au Forum mondial à Banff (World Forum for Acoustic Ecology — WFAE) en 1993. Réflexion sur interdisciplinarité de l’écologie sonore. À Banff sont des designers audio, chercheurs, ceux qui font la législation, qui font de la recherche sur la perception sonore, etc.
- Aujourd’hui sa réflexion est axé sur l’interdisciplinarité. Il ne sait pas si écologie sonore a été une métaphore pour lui ou un autre principe? Il ne peut répondre car il se sent trop proche pour le faire.
- Double intérêt : écolo-environnemental et esthétique.
- Ça s’est éclaté dans le bon sens de la chose. Travail d’explo par Hildegard westerkamp. C’est un genre parmi d’autres. Exemple, Darren Copeland continue et fait bon travail. Mais c’est mêlé avec d’autres intérêts. Il y aura toujours des spécialistes. Mais il y a maintenant une culture d’écologie sonore qui est dans les airs. Ça fait partie de la culture musicale. Certains compositeurs vont continuer à travailler avec ça, mais en mêlant avec autre chose.
- Quelle a été l’influence ?
Difficile à dire. Schryer a stoppé, mais d’autres poursuivent, technologies évoluent. L’engagement philosophique et social de l’artiste. - Motivations profondes et questions à se poser ? Très très facile de prendre un microphone et de créer une œuvre « soundscape composition ». Techniquement simple.
- Mais quand est-ce que ça devient intéressant ? Trouve que le travail de Eric La Casa est intéressant. Idem pour Westerkamp. Ce sont des artistes qui réfléchissent, qui vont dans la société et attirent notre attention sur certains concepts, ils nous guident.
- Nous sommes en 2008. L’hybridité est partout. Et profonde. Difficile de dire ce qui se passe vraiment. Curieux de voir la suite. Il observe. Peut-être qu’il n’y aura pas un mouvement d’écologie sonore mais peut-être qu’on prendra conscience de l’environnement sonore dans tout ce qu’on fait, développer conscience dans tout ce qu’on fait. Ç’est son souhait, ce serait le bonheur.
- Les années 80, la parution sur vinyl du disque de GEMS, puis transfert vers CD. Il a vécu la transformation analogique numérique dans les années 80 et a connu la diffusion radio de Radio-Canada et la radio communautaire. Rôle très important des deux. À l’époque.
- Très peu de diffusion sur disques des œuvres électroacoustiques, et ce sont surtout des œuvres européennes. Jean-François Denis et Schryer voient la nécessité d’autre support. « On a fait beaucoup de choses… ». Tournée canadienne d’œuvres mixtes.
- À Banff, Schryer est directeur du programme Interarts.
- Création de empreintes DIGITALes. Il est là pendant deux ans et passe à autre chose. L’idée était qu’il existe un répertoire de plus en plus important. Le premier disque c’est Christian Calon, Robert Normandeau. Donc diffusion se fait électroniquement mais aussi par tournées et concerts. Visibilité de la pratique.
- La CEC essayaient de partir l’infrastructure.
- Si le Conseil des arts du Canada soutient les compositeurs, diffuseurs et programmeurs, il est important de porter attention au professionnalisme de la diffusion. Conditions de diffusion qui étaient n’importe comment lors de la présentation de certains concerts. Il y a eu une évolution au niveau du calibre de la présentation, il travaille à améliorer ça. Analogique vers outils moins encombrants.
- Souci de faire entendre les « bonnes » musiques. Nécessité d’avoir des « curators », de faire choix d’œuvres importantes. Par exemple, ACREQ. Il se passait plein de choses au Canada.
- Christian Calon.
- Comment on fait pour connaître un compositeur électroacoustique ?
Ou aller au concert, ou radio, that was about it! Maintenant là possibilité d’acheter des CDs chez empreintes DIGITALes. Ça permet de comprendre la démarche du compositeur.
- Les institutions d’enseignements et ceux qui ont formé les compositeurs. Par exemple, Yves Daoust et autres qui ont formé. McGill avait une attitude moins dogmatique et ceux qui ont été formé là ont amené cette attitude dans leurs activités professionnelles.
- D’autres sociétés de concert apparaissent qui veulent offrir un plus grand éventail, une plus large palette. Musique actuelle. L’effervesence et décloisonnement dans les années 80 est dûe en partie aux technologies, mais aussi au « leadership » de certaines personnes.
- GEMS : conditions de diffusion pour les concerts. Déménager les moniteurs (ALTEC) sur leur dos. Puis pour diffusion multipistes il fallait défaire tous les moniteurs. À l’ACREQ il y avait un souci de qualité, avait acheté un Orchestre de haut-parleurs. À Concordia : 2 haut-parleurs, et concerts longs longs longs et ils jouaient « un peu n’importe quoi ».
- Les gens portent attention à la diffusion, qualité de diffusion et des œuvres. Une réflexion sur la promotion, sur l’image de l’électroacoustique, amènent des meilleures conditions de diffusion. Mais ça a pris une génération de producteurs et de diffuseurs qui se sont dit : « On peut faire mieux, on choisit la salle, les œuvres et les équipements » pour faire des diffusions de qualité, parfois en co-production. « On y est arrivés. »
- Conditions requises pour apprécier œuvre électroacoustique ?
Idéalement que l’engagement soit clair. Écoute de soirée d’œuvres pour écoute multipiste, par exemple. Ne pas s’attendre que le public va venir, une nécessité de valoriser l’expérience. - Convivialité de la musique actuelle. Énergie dans la salle. En électroacoustique, c’est plus difficile mais il y a eu de bonnes expériences.
- Deux pistes parallèles dans l’histoire récente : l’approche Réseaux est une écoute acousmatique. Ils sont allés assez loin dans ce sens et ont un public spécialisé. L’ACREQ présente des concerts plus spectaculaires, plus séduisants, avec la robotique, live, multimedia, qui attire une génération plus jeune.
- Les diffuseurs ont fait du marketing pour inviter l’auditeur à découvrir ces musiques. Parallèlement il y a la possibilité d’acheter des disques et écouter, par exemple, un Dhomont chez soi sur CD.
- Ce n’est pas important qu’on écoute de l’électroacoustique ou non, ce n’est pas une religion pour Schryer. S’il y a des bonnes œuvres, « tant mieux ». Ce qui est important, dans l’art en général, c’est qu’on interpelle la société. L’artiste invite à partager une expérience, et il faut que cette expérience-là soir vraiment stimulante pour l’auditeur. L’artiste ne peut pas juste dire : « je crée et puis tant pis ».
- Condition de communication essentielle ?
L’artiste ne doit pas s’isoler, l’artiste crée pour qu’il y ait une interaction avec le public.
- Les multiplateformes ce n’est pas un problème. L’expérience de concert c’est comme le cinéma : aller au cinéma c’est une expérience sociale. Aller au concert est une expérience qui va rester, car les gens aiment « se voir ». Les gens aiment vivre une expérience communale. Où va la société est une question d’intérêt. Schryer cherche « the bigger picture ». Ç’est ce qu’il cherche et qui l’inquiète et ç’est pourquoi l’artiste qui réfléchit l’intéresse plus.
- La technologie est extrêmement polluante, ce qui produit une ironie ou une contradiction à l’intérieur de l’électroacoustique… « We embrace » la technologie, mais il y a maintenant une nécessité de réfléchir sur ce développement.
- Quel sera le contexte dans lequel travaillera la nouvelle génération ?
Il voit la décroissance : on va manquer d’électricité, d’eau, de ressources. L’électroacoustique est un peu innocente là-dedans.
- Quelle est la place du sonore ?
N’écoute plus depuis un certain temps, il a décroché, mais recommence à écouter. La question de l’écoute le préoccupe encore, mais l’écoute ailleurs et autrement. Il ne pense pas reprendre l’enregistrement des sons; l’écoute sur le plan de l’écologie sonore ç’est terminé pour lui, il n’est plus là. N’a plus cette sensibilité-là. - Ça n’a plus de sens pour toi ?
Oui et non il est dans un autre espace et a appris à vivre via l’électroacoustique. Il ne sait plus comment l’électracoustique se positionne dans sa vie, maintenant. Il est ailleurs.
- Schryer est heureux de parler de ça, ça lui permet de voir son parcours et celui de ses collègues. Qu’est-ce qu’on a fait? On est chanceux, privilégiés ici au Canada.
- Comment on peut aider, « empower », la prochaine génération ? Prendre connaissances et expériences.
- Pionniers, aller de l’avant.
Tu pourrais décrire l’idée de la réalisation dans ta pratique ? Ta stratégie ?
Il a documenté sa pratique, par exemple « El medio ambiente acustico e Mexico ». Méditation d’abord. Il vivait à Mexico City et son processus était d’écouter attentivement, de comprendre phénoménologie de ce qu’il entendait. Il a passé des semaines à analyser les sons autour de lui. Il a enregistré des papillons dans un lieu à Michoacán où il y avait aussi beaucoup d’enfants.
- Choisir. Il avait une intention compositionnelle. La composition était déjà faite en partie à cause du matériel enregistré : très proche, très loin. Comme un cinéaste.
- Un plan de découpage ?
Parfois. Très instinctif. Il enregistrait ce qu’il croyait avoir un potentiel compositionnel. Puis transcription, tri, composition, mixage en studio. Et traitement.
- Sélection et expérimentation en studio.
- 1995 l’arrivé de l’audio numérique. Pro Tools : montage-mixage et agencements. Donc recomposition ou composition d’une histoire. Mais pas abstraite. (comme en acousmatique). Shryer est plus narratif sur le plan contextuel. « Voici un train » (qui a sa personnalité) mixé avec le son d’un enfant. Déjà un niveau plus complexe.
- « Marche Sonore II ». Compositions électroacoustiques environnementales. Rien de neuf, mais son intention était très précise : aller chercher des expériences sonores, acoustiques et les transformer en musique.
- Ce sont des traitements privilégiés ?
Ce sont des outils qui permettaient l’analyse spectrale, amplification de fréquence, filtrage. Intention d’enrichir expérience d’écoute. - « Odyssée Sonore » pour un film de Louis Ricard sur R. Murray Schafer dans laquelle il utilise des sons de laVille de Québec. À la fois une analyse sociale et analyse technique. Époque, voix, etc. Il propose l’écoute d’une version altérée (par modifications et traitements), donc un travail artistique. Le son capté, transformé et mis en contexte pour l’expérience artistique. Provenance des sons et de l’intention artistique.
- Retour sur expérience du Mexique : il n’y est pas allé pour faire un portrait de paysage sonore mais pour capter des sons et les présenter musicalement, avec une proposition artistique.
- « Lettre sonore I » et « Lettre sonore II » sont deux disques qu’il a offerts gratuitement.
- Retour à « Au dernier vivant les biens », quelques informations sur manière et mode random-aléatoire de diffusion. Un parcours à travers des miniatures où il laisse le choix à l’auditeur de l’ordre des moments.
L’accessibilité
- Schryer était conscient d’un certain aspect de son geste au moment de donner ces œuvres. Elles ont été subventionnées et il voulait les rendre accessibles. Format lettre : il écrit beaucoup de lettres.
- Le faire commercialement n’aurait pas été l’esprit de son intérêt et de sa relation avec l’auditeur. Pas tout-à-fait dans l’esprit de John Oswald. Une sorte de retour à la société, un peu naïf, mais aussi stratégique.
- Son séjour à Banff l’a mis en contact avec compositeurs étrangers tels Mauricio Kagel, Luciano Berio. Il a bien connu la communauté canadienne. Québec. Sound Symposium, Musicworks, Toronto.
- Mais l’électracoustique se passait à Montréal qui était l’épicentre et qui attirait les anglophones comme Laurie Radford, John Oliver (aussi franco-ontarien). Montréal a été une force d’attraction. Pour lui aussi.
- Maintenant il y a beaucoup d’électracoustique au Canada. Ça a beaucoup évolué depuis les dernières 20 années. Maisons d’enseignements, concerts. Le milieu est très diversifié maintenant, et pour le mieux.
- Schryer a rencontré Luc Ferrari quand l’ACREQ l’a invité pour une série de concerts. Ferrari l’a influencé comme Murray Schafer l’a influencé; il connaissait déjà « Presque rien no 1 ». A été à la Muse en circuit à Paris. Sa couleur, sa sensibilité, son regard sur la création. Ferrari a été très important et généreux avec lui au moment où il est en train de former ses idées.
- Comment vois-tu la plateforme du sonore dans les prochaines années en regard du passé récent ?
Expérience du son, d’écoute. Ça ne changera pas à moins que nous portions tous des prothèses… Référence au cinéma, un développement inoui. - Où ça va ?
On peut espérer un développement réfléchi, sensé, la possibilité de faire des choix. La philosophie de R. Murray Schafer est : « choisissons notre environnement ». Nous avons des choix écologiques à faire car les espaces naturels sont en triant de disparaître. Notre environnement sonore devra fêter en fonction de nos choix de société. L’artiste sonore peut contribuer en étant un bon citoyen et en ayant un regard vs sa profession. - Quel est ton positionnement éthique ?
Choisir une philosophie d’écoute. Il donne comme exemple ceux qui portent des écouteurs toute la journée. Ils vont développer des problèmes génétiques graves avec l’ouïe ? Il fait référence aux peuples autochtones qui étaient en équilibre parfait avec la nature, spiritualité, etc. et parle de la responsabilité de ceux qui écoutent et ceux qui orientent l’écoute. Surtout les artistes. il faut créer des situations d’écoute « healthy ». - Une utopie ?
Les électroacousticien(ne)s ont un rôle à jouer et doivent contribuer à ça.
- Un projet qu’il a fait en 1997 avec R. Murray Schafer « Winter Diary » fût une expérience profonde pour lui. Une commande donné par Klaus Schöning d’une œuvre radiophonique d’une heure pour la radio allemande WDR. Manitoba en hiver.
- Une composition de Schafer mais Schryer a fait les prises de son, ce qui a contribué à créer une œuvre forte. Enregistrement des sons en voie de disparition, un travail presqu’anthropologique. Durant dix jours — jour et nuit — il a enregistré et parlé de musique, a enregistré et catalogué chaque son — magie. Il se souvient presque de chaque son enregistré. Ç’était un moment privilégié. Authenticité dans le processus.
- Carte audio media II. Quatre pistes : « It’s more than enough » dit Schafer. Dû à un problème de disque dur il a perdu presque la moitié de la composition et a dû recommencer la composition. L’attitude de Schafer : « C’est bon ».
- Sons de qualité, un minimum de montage. Laissons parler ces sons-là, créons une forme qui se tient. « N’allons pas trop loin dans le micro-montage ». L’œuvre se tient.
- La cueillette. La compositon se fait à deux ?
Les deux. Parfois Murray parfois Claude. Les échanges au déjeuner le matin. Quelques examples : oiseau, la cloche, les drapeaux; tout était planifié et ils étaient toujours à l’écoute. Une complicité avec Schafer. « Now ». - Le concept : 10 jours au Manitoba pour enregistrer des sons, et une semaine en studio pour faire la composition.
- Schafer avait l’idée de la trame. Il donne l’exemple de la présence du patin. Les sons menaient le bal. Beaucoup de marche dans la neige. Les pas. La voix, le cri. Motifs A-B-C comme dans n’importe quelle composition. Lieux historiques et un souci de ce que ça voulait dire dans le contexte local.
- Deux DATs Sony, microphone MS, deux petits microphones ambiants portés sur la tête. Les deux étaient complémentaires. Avec piles et piles supplémentaires.
- Parfois il était trop froid, parfois il fallait attendre pendant des heures pour enregistrer un train du début à la fin. Idem pour enregistrer une voiture qui passe. Dans les prairies « le son c’est long ». Il y a aussi des sons de célébration, dans un café, par exemple. La sirène à midi, il raconte l’histoire dans un bureau à midi.
- L’aspect narratif de la composition. À l’occasion ils se parlaient… (entre eux) mais il n’y a pas de narration.
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