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Entrevue avec Robert Normandeau
Entrevue réalisée le jeudi 13 mars 2008 à la Faculté de musique de l’Université de Montréal.
- Compositeur de musique acousmatique. La pratique lui a sauvé la vie. Instrumentale et la composition. Formation traditionnelle musicale à l’Université Laval puis à l’Université de Montréal.
- Arts d’interprétation ne l’intéressent pas, ce qui l’intéresse dans la musique c’est l’écriture. Il se considère d’avantage comme un écrivain plutôt qu’un musicien, plus un peintre qu’un performeur.
- Son intérêt pour le support fixe. Poser le geste exact qu’il veut poser et pas un autre, et surtout pas le confier à un autre. Il ignorait lorsqu’il était jeune qu’une telle possibilité pouvait exister.
- Était bassiste avec un groupe quand était à l’école secondaire. Adolescent dans les années 70, l’époque du « rock progressif ». Choc avec concert de Pink Floyd avec système quadraphonique.
- Puis rencontre Nil Parent et le gang de l’université Laval, le premier studio francophone d’électroacoustique au Québec (fondé en 1969).
- Était situé à la Faculté de communication et non à la Faculté de musique. Donc extrêmement ouvert. Marcelle Deschênes était là. Gisèle Ricard. Ils avaient un groupe d’interprétation de musique électroacoustique. Jean Piché était là aussi.
- Écoute de Stockhausen (le compositeur de référence) Telemusik. Coup de foudre, il est hors de question de faire autre chose dans la vie et il arrête l’école. Il part en Europe se fait voler, etc., est allé vivre en Europe durant trois ans. Puis refait toutes ses études au Cegep à 23 ans.
- Son studio à l’époque. Magnétophone quatre pistes, console. Prise de son, montage, techniques traditionnelles avec magnétophone à bande.
- Il part toujours de sources concrètes et n’a presque jamais travaillé avec sources électroniques; la synthèse ne l’a jamais intéressé.
- Prise de son, sons empruntés. Ce qui l’excite c’est le matériau enregistré et le matériau qu’il enregistre personnellement. Il travaille rarement avec des sons des autres, sauf pour avoir accès à des sons spécifiques, par exemple une bombe.
- Encore plus, c’est le moment de la prise de son qui est le premier geste compositionnel; ce matériau-là est déjà inscrit dans sa mémoire.
- Le studio institutionnel était peu accessible à l’époque. Il y avaient beaucoup d’étudiants et peu d’heures disponibles. Au milieu des années 80 il fait sa maîtrise. Il a 14 heures par semaine d’accès qu’il suppléait avec un petit studio maison, où il pouvait y faire un « pré-travail ».
- Mais ce n’est pas le même rapport d’intimité que maintenant alors que les compositeurs ont leur outil-instrument à la maison comme tous les musiciens.
- Se repositionner dans le temps. Si il était né au 18e ou 17e siècle ?
Il serait peintre ou cinéaste. Ou écrivain. Une écriture sonore sur le plan de l’imagination lui apparaît beaucoup plus fertile. - Il s’inscrit dans la filière Cinéma pour l’oreille, il utilise les sons pour leur valeur référentielle. Il illustre avec un exemple du train : la perception de l’auditeur (le train devient « son » train), la fonction de son expérience, les références culturelles… puis le train proposé par le compositeur. L’image est plus fort que la représentation cinématographique.
- Est-ce que ton rapport au son et au sens s’est transformé au cours des années ?
Retour sur Schaeffer et Stockhausen et une certaine période de « pureté » en électroacoustique. - Sa génération a voulu faire éclater les choses, ils venaient tous plus de la scène rock et que classique. Ses références culturelles sont plus près de musique populaire que la musique savante. Appropriation du rythme, le « beat ». Nuance entre beat-rythme et pulsation. Il fait référence à Stravinsky et au « Sacre du Printemps ».
- Ils étaient tous post-modernes : collage, montages, citations, sans aucune forme de censure, etc. Une situation un peu privilégiée, ils étaient loin de l’Europe et des fondateurs.
- Le milieu est relativement vierge. Il fait référence à la société de concerts ici; une certaine virginité de leur part. Esthétique développée à Montréal. L’École de Montréal est reconnue et nommée et n’aurait pu apparaître ni à Paris, ni à Londres, ni à Berlin.
- « L’École de Montréal », qui est-ce ?
Stephane Roy, Gilles Gobeil, Alain Thibault, et dans la suite, des plus jeunes tels Ned Bouhalassa et Louis Dufort. Ils ont tous été les élèves de Marcelle Deschênes, qui est l’initiatrice, qui avait parti le bal. - « OPÉRAaaaAH… », un opéra délirant avec Mimes Électriques, Raoul Duguay, musique techno d’Alain Thibault, projection de diapositives, danseurs; un spectacle multi-média, une sorte d’apothéose du post-modernisme. Dans la lignée Michel Smith — un travail essentiellement multi-média, ce qu’il fait qu’il se situe en droite ligne avec le travail de Marcelle Deschênes.
- Des anglophones parmi eux ?
Non, le studio de McGill — le plus vieux à Montréal — s’inscrit plus dans la tradition germano-anglosaxone, culture de la musique électronique. Les latins ne se reconnaissent pas dans ce genre de pratique, ne l’aiment pas, ne le pratiquent pas. Et ça prendra du temps afin que les gens se rencontrent. Le point de rencontre se fera par la CEC.
- Le point de rencontre se fera par la CEC, la CEC fait le lien, parce ça a fait côtoyer des gens de Toronto, Calgary, Vancouver tels Hildegard Westerkamp, Paul Dolden, Barry Truax. Dolden habite ici maintenant est ne travaille pas avec la synthèse mais avec des prises de son. Ce qui fait que Dolden est le plus proche des francophones.
- Ils ne se sentent pas près de ceux qui font du paysage sonore à ce moment-là, mais plus près des suédois et des français. Ils aiment ça quand ça brasse et se sentent plus près des européens.
- Le projet de Murray Schafer ne les rejoint pas ?
Ne les intéressent pas du tout, il ne s’agit pas d’une pratique musicale, mais un art sonore, comme la pratique radiophonique.
- Est-ce qu’il voit encore les choses comme ça ?
Pour lui toutes sortes de finalités dans le fait de travailler la matière sonore et ces finalités ne sont pas toutes musicales dans le sonore. - Pas très connues ou écrites. Mais les règles de la pratique de l’acousmatique ne sont pas très loin de la pratique instrumentale. L’art radio repose sur utilisation d’un texte. Autre chose. Littérature, sens, mots. Il fait allusion à sa propre pratique.
- Le travail avec le texte impose une logique interne qui n’appartient pas au monde de la musique. C’est un problème pour presque tous; presque tous se sont cassés la gueule.
- Il est très très difficile de faire une œuvre avec un texte, souvent la salle devient ennemie. Alors que Art radiophonique qui est un art de l’intimité, un art chaud qui s’adresse à l’individu, c’est un art qui se casse la gueule dans une salle de concert.
- Ce qui nous distingue compositeur de musique instrumentale et celui de musique acousmatique. Celui-ci est son propre artisan. Retour à une pratique ancestrale.
- Autrefois les compositeurs étaient instrumentistes. Jouent ou dirigent leurs œuvres, mais après la deuxième guerre il y a eu changement de rôle. Le compositeur devient un écrivain qui écrit un texte donné à des gens dont le métier est de le mettre en son.
- Les compositeurs acousmatiques font un travail qui repose sur la perception dans le contexte de diffusion et de composition.
- On n’a pas d’oreille interne, parce que le compositeur de musique acousmatique travaille avec l’inouï. Il donne l’exemple de la bande à l’envers.
- Son entrée dans le studio; le matériau va guider sa conduite de compositeur. L’écoute et son raffinement dans ce contexte. Il donne l’exemple du bloc de marbre donné à deux sculpteurs, un traditionel et un contemporain. La notion de l’objet unique. La prise de son c’est son bloc de marbre : prise de son, une sorte de micro, la personne qui l’accompagne (instrumentistes par exemple).
- Sur intention ou attention préalable.
Il ne peut travailler que s’il a le titre de la pièce; le titre est le préalable à son entrée en studio. Puisque tout est possible, il n’y a aucune forme de censure sur le plan esthétique. Il fixe des balises, sinon ça devient une œuvre « catalogue ». - Nécessité urgente dans sa carrière, il élimine de plus en plus; il a fait une pièce avec deux sons. Allusion à Strinberg. Le titre lui donne des balises. Il rédige ses notes de programme avant d’entrer en studio. Fixe donc des balises.
- Sa dernière pièce : « Murmures ». Chuchotements.
- Certains types d’équipements permettent d’aller beaucoup plus loin dans le son et d’entendre des choses non perceptibles avant. Micros et enregistreurs sur disque dur ou carte flash. L’absence totale de bruit de fond permet d’agrandir l’intérieur du son.
- Allusion au studio analogique. Console, magnétophones multipistes (vs Europe qui travaillent avec plusieurs magnétophones), traitement analogique : filtres, amplificateurs, magnétophones, effets, réverbération, etc. Très dispendieux, matériel coûteux.
- La maîtrise de ce studio n’était pas simple, certains étaient des experts. Prise de son était un art et contrôle du rapport signal-bruit.
- Le travail était de faire du « beau son » quand « glitch » apparaît à la fin des années 90, qui était insupportable pour des compositeurs comme lui. Il ne s’agit pas d’une censure, mais pour eux un bruit de fond est un échec.
- Social, local, temporel. Avec la nouvelle génération le problème n’est pas au même endroit. Récupération des « erreurs » de l’analogique.
- Normandeau n’a pas fait du travail avec des maîtres en Europe même si il les a fréquenté.
- Il a côtoyé des compositeurs. Son maître à l’Université de Montréal est Francis Dhomont. C’était une relation d’amitié plus que professeur à élève, parce que Normandeau est plus âgé et savait exactement ce qu’il voulait. C’était connu. Il n’avait pas besoin d’une présence quotidienne.
- En 1991 introduit la pulsation. « Éclats de voix ». Dans le premier mouvement, pendant quatre minutes une pulsation parfaitement régulière. En musique acousmatique personne avait fait ça avant et il a eu peur de la réaction des collègues de la génération précédente. Dhomont lui dit : « c’est ton œuvre la plus personnelle ».
- La pièce a eu extrêmement d’impact. Il y avait des commentaires sur les relations maîtres-élèves et de la capacité de la part des maîtres de reconnaître ce qui leur appartient et ce qui appartient à la génération suivante.
- Il est professeur à l’université seulement depuis huit ans. Avant, il gagnait sa vie comme artiste « freelance » indépendant jusqu’à l’âge de 44 ans. La carrière de professeur l’a rejoint. Son travail de l’enseignant est très préoccupant, ça prend beaucoup de temps. Allusion à Réseaux dont il a dû abandonner la présidence récemment.
- La recherche fondamentale l’intéresse plus maintenant. Pour un compositeur d’aujourd’hui en 2008, c’est extrêmement difficile de gagner sa vie, la vie est extrêmement dure pour un artiste.
- Allusion à la radio qui se retire complètement du champ (ici comme ailleurs ou ailleurs comme ici).
- La perte de diffusion, de revenus de droits de diffusion, de droits d’auteurs qui étaient conséquents; il a déjà gagné un prix SOCAN — pour le compositeur qui a fait le plus de sous; aucun compositeur électroacoustique ne pourra obtenir ce prix dans d’ici les 500 prochaines années, impossible. Même les grands maîtres ne génèrent plus de droits d’auteur parce que les œuvres ne sont plus jouées.
- Nous sommes dans une époque où la culture populaire est devenue la culture dominante au détriment de tout le reste. Pointe les médias. Ce phénomène apparaît même dans les Conseils des arts, ce qui est grave. Car leur rôle est d’aider ceux qui ont besoin d’aide et non aider ceux qui sont reconnus.
- Leur culture est en train de se pervertir.
- Le discours dominant est d’essayer d’aller chercher plus de public, des gens plus connus, etc., c’est le discours de plus en plus entendu et l’une des raisons de son retrait de Réseaux. Il ne veut pas jouer là-dedans. Regarder son profil et le support de la société dans les années 80. Les jeunes compositeurs engagé au théâtre aujourd’hui au même salaire que lui il y a 10 ans.
- Le message qui est envoyé: « en bas de 30 ans c’est génial, au dessus de 20 c’est parfait, entre les deux : démerdez-vous ». Les artistes de la maturité sont complètement abandonnés à eux-mêmes.
- empreintes DIGITALes est fondé en 1989. Il y avait plus ou moins 50 disques de musique électroacoustique « au monde ». GRM publiait sur disque vinyl. Tout était à faire, à inventer. Ils ne disposaient pas plus de moyens.
- En [1986] la Communauté électroacoustique canadienne est fondé. Avant la CEC un compositeur électroacoustique ne bénéficiait pas d’une commande par les programmes de subvention de commandes. Le CEC a un rôle rassembleur et un rôle de lobbyiste et a joué ça de manière très efficace.
- ACREQ fonctionnait avec de « l’huile de bras ». L’inédit attirait les gens.
- Présence de la radio.
- Il a gagné un Prix à Bourges en 1986, et était donc invité partout. C’était un événement, mais aujourd’hui c’est « lettre morte ». Certains de ses élèves gagnent des prix très prestigieux en Europe et personne n’en parle.
- La musique est le domaine où la confusion entre culture populaire et culture savante est la plus grande parce que les outils des deux sont les mêmes. Donc une certaine parenté sur le plan sonore mais pas sur les finalités; on ne parle pas de la même chose.
- La grande différence entre 1988 et 2008, c’est la part expérimentale. Il fallait à ce moment explorer le medium. Les 4/5 de ce qui a été produit à ce moment-là est d’un « in-intérêt total ». En 2008 c’est maintenant un art de maturité. L’expérimentation ne l’intéresse pas du tout.
- Il nomme bien la chose : il n’est pas intéressé à écouter quelqu’un qui est en train d’expérimenter quelque chose d’inédit. La légitimisation de ce geste-là ne l’intéresse pas, il trouve ça illégitime. « Restez dans vos universités, faites vos expériences… ».
- Cherche une œuvre, de l’art, de la signification, de la communication.
- Nuance majeure par rapport à 1988. Au moment où ça arrive à maturité, le public se retire. La communauté doit faire réflexion et sortir de son isolement. Et voir à proposer un réel travail artistique.
- La musique mixte au Québec a été très peu pratiquée. La plupart des compositeurs le font sur support fixe.
- Dans les années 70–80 le groupe Sonde fait du direct. Ensuite il y a eu une éclosion du multi-média.
- A fait deux pièces de musique mixte : « Figure de rhétorique» pour Jacques Drouin et « Jeu Blanc » pour Claire Marchand. Instrumentiste et bande ou instrumentiste et traitement fixe. En général il est rare que les compositeurs maîtrisent bien les deux mediums, ça donne souvent lieu à des œuvres naïves.
- Allusion à Yves Daoust qui fait une musique théâtrale, (parce que les instrumentistes sont des personnages beaucoup plus que des musiciens), plus près de Mauricio Kagel ou de Luc Ferrari. Un genre qui n’a pas pris au Québec mais est très pratiqué chez les Anglo-saxons, où la bande est un prolongement de l’instrument.
- Une véritable invention était le concert sur haut-parleurs où la musique devient un art de support, alors que 90% de la musique mondiale répond à un art d’interprétation. La diffusion en salle et la notion de « valeur ajoutée ». La diffusion de musique acousmatique traditionnelle est une mise en espace, mise en scène, amplification des gestes qui font partie de la musique.
- Ses plus grands chocs esthétiques ont toujours étés au concert. Le rituel du concert est irremplaçable; le fait de se trouver avec d’autres. Il constate qu’il y a des pratiques de musiques acousmatiques qui n’ont plus d’intérêt en dehors du concert. comme une pratique du cinéma a besoin du grand écran.
- Fellini ne « passe » pas à la télé. Parce que certaines dimensions ne passent pas sur la télé, si c’est trop réduit.
- Réf. Musique, peinture : « jardin des délices » de Jerôme Bosch, certains tableaux de Riopelle, Jackson Pollock.
- On a aujourd’hui des œuvres sur support qui ont absolument besoin de la dimension du concert pour vivre. Ça l’intéresse, car on peut faire des concerts qui sont des événements indispensables.
- La conquête de l’espace est le grand défi de l’électroacoustique. Une musique du 20e siècle qui a développé une notion de timbre. L’électroacoustique joue avec la notion d’espace.
- Un de ses projets : dôme de deux haut-parleurs où on ne percevra plus l’origine de la source. On sait peu là-dessus, mais il a des intuitions. Peu de recherches ont été faites dans ce sens. Il démarre un projet qui va dans cette direction-là afin de déterminer ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas sur le plan perceptif. Ce que le compositeur met dans sa musique mais qui n’est pas perçu : où est donc l’intérêt ? Sens et communication ?
- Les outils logiciels destinés aux compositeurs pour travailler dans l’espace sont presque inexistants. Il faut donc des outils.
- Y-a-t’il un condition d’écoute pour apprécier l’œuvre électroacoustique ?
Il s’agit d’une musique de l’exploration sonore donc il y a besoin de bonnes conditions d’écoute. Les fichiers MP3 pour l’électroacoustique c’est une pure catastrophe. C’est fait pour ses caractères harmoniques. - La musique électroacoustique explore souvent des matériaux qui ne sont pas harmoniques et donc le système de compression fait disparaître beaucoup de composantes. Il faut de bons haut-parleurs, bonnes sources : CDs, DVDs si possible.
- Il y a une sensualité dans cette musique qu’il faut conserver.
- L’auditeur doit être prévenu un peu à l’avance. Cette musique ne joue pas sur ce qu’on appelle les « valeurs » de la musique — la hauteur, la durée, le rythme — mais explore plutôt la texture, la matière du son.
- Il faut se placer comme celui qui va voir un tableau abstrait et apprendre à se mettre en relation avec la matière elle-même. Et ne pas attendre un cheminement mélodico-rythmique qui serait plus familier. Ça présuppose un certain abandon des résistances. L’auditeur doit se faire confiance. L’être humain essaie systématiquement de faire du sens avec tout ce qui lui est proposé.
- La musique électroacoustique génère du sens même quand il n’y en n’a pas et son expérience lui montre à quel point les gens cherchent du sens.
- Il faut que l’auditeur ait aussi le courage de se tromper et « avoir la patience de se rendre au moins jusqu’à une œuvre qu’on aime. » On n’est pas obligé d’aimer tout le répertoire mais il faut se fier à son goût. Le goût se cultive, comme en peinture, en cuisine, en cinéma. Il faut assumer une certaine pratique régulière.
Il y a deux choses à faire en parallèle, en tant que professeur. Le premier aspect :
- Aujourd’hui l’apprentissage technique est beaucoup plus simple, a l’air plus simple. L’apprentissage technique est plus simple. La plupart des étudiants qui arrivent ont leur ordinateur, c’est même une exigence à l’université.
- Leur rôle de professeur est de rendre les étudiants si possible autonomes dans leur maîtrise des outils technologiques. Il y a des « ready-made » qui ne sont pas faits pour eux (dans la pratique de l’électro) : Pro Tools, Digital Performer, Logic Audio, Live. Ils sont faits pour une logique de post-production ou studio maison ou musique d’application ou musique pop. La plupart sont inadaptés pour la création sonore.
- D’autres logiciels de programmation « orientée objet » tels Max/MSP et des logiciels de programmation « orienté objet » avec objets préfabriqués. Il travaille à ce que les étudiants développent leurs propres outils de création. Ça ne convient pas à tout le monde cependant.
Le deuxième aspect :
- Développer l’aspect esthétique : analyse, esthétique, connaissance du répertoire. « En art ça n’existe pas les générations spontanées », ceux qui ne connaissant pas ce qui s’est fait avant réinventent la roue.
- Il y a une manque de culture musicale. Cette musique est née en 1948 (et même avant) et non pas avec Aphex Twin ou Matmos. Que les gens connaissent les filiations même avec la musique instrumentale.
- Il donne un cours sur la morpho-typologie, sur la perception de l’objet sonore. Dans les cours usuels, ce qu’ils apprennent surtout c’est la distinction intervallique. Son cours est plus ou moins populaire. Par contre une fois que c’est fait le vocabulaire est placé. Si on ne peut nommer on ne peut prendre conscience.
- Nécessité d’avoir la terminologie, les bons mots et d’avoir exercé sa perception dans des circonstances très spécialisées.
Il y a un troisième aspect :
- Il donne des cours d’analyse, et place la problématique de l’absence de partitions, donc ça doit se reposer sur analyse perceptive.
- Allusion à Stéphane Roy qui a développé « L’analyse des musiques électroacoustiques ». Inédit, car c’est la première fois — dans l’histoire de la musique électroacoustique — que quelqu’un arrive avec une méthode d’analyse de la musique électroacoustique. Ça permet d’analyser les fonctions de la musique électroacoustique.
- Ils mettent la méthode à l’essai. La méthode est prometteuse et stimulante. Ça permet aux étudiants de prendre conscience que cette musique est aussi une musique formelle. Même si les formes de cette musique ne correspondent pas à des a-prioris, les étudiants se rendent compte que « quand une œuvre tient la route, il y a des raisons ». Et qu’il y a moyen de les nommer, sans toutes les nommer. On ne peut tout expliquer, mais il y a un travail réel possible.
L’apprentissage traditionel [1:09]
- Il est contre l’apprentissage de la musique instrumentale traditionelle, ce qui était prérequis : apprentissage de la fugue contrepoint, harmonie, etc. Les cours d’analyse ils gardent ça pour les étudiants avancés. Les nouveaux sont empêtrés dans une gangue.
- Ils n’ont pas le désir encore. En dernière année ils se posent vraiment des questions.
- Sa méthode de travail est presque toujours la même. D’abord la prise de son. Il réutilise peu le matériau déjà fabriqué. Chaque projet génère un nouveau matériau, c’est ce qui le stimule. Il adore les instruments de musiques (les plus beaux générateurs de son au monde). Choix des matériaux. Tri.
- Il raconte histoire de son séjour à Banff, où il y avait le premier système d’enregistrement audio numérique SOUNDTOOLS de Digidesign.
- Au retour il vend tout et achète un autre système, avec changement radical de pratique. Tout est sur support. Avec un logiciel de base de données il catalogue de sons, commencé en 1990; plus ou moins 5000 sons sont répertoriés avec critères objectifs ou subjectifs. Les sons sont classés en fonction de plans : premier plan, arrière-plan.
- La deuxième phase du travail est de maîtriser les sons.
- Si l’oreille interne n’est pas là avant de commencer, elle apparaît après.
- La nécessité du catalogage, il doit apprendre ses sons en les découpant, nommant, classifiant. Ainsi il organise ses sons. Il doit avoir un lien direct avec le matériau sonore, il a besoin de « jouer » avec le son, il n’est pas un intellectuel.
- Il met en place des séquences-jeu, un environnement de matériau et de traitements. Il procède par improvisations, les enregistre, le processus de composition commence, il raffine, la musique s’organise.
- Par couches, multi-pistages ?
Son travail des dernières années est basé sur la multiphonie, en concert sur plusieurs haut-parleurs, une sorte d’orchestre de chambre. Le mixage est une partie intégrante du processus de composition.
- Son environnement de travail chez lui. Il travaille chez lui dans un environnement multiphonique. Huit haut-parleurs permettent de lui donner une idée de l’image de la spatialisation, de ne pas l’imaginer. « Quand on travaille de manière intime avec la spatialisation, ça induit des gestes compositionnels inédits. »
- Les limites de l’imagination. L’interaction est essentielle.
- Il s’agit d’un transfert du « sweet spot » ?
Une « spatialisation timbrale », son travail est basé sur la division du spectre dans l’espace. Une diffusion mutliphonique timbrale. - Allusion à Strinberg. Il divise le spectre en quatre bandes, chacune sur un haut-parleur différent. Les timbres mouvants en fonction de la personne qui écoute dans la pièce. Vers une recombinaison du timbre dans l’espace.
- Avec Strinberg il n’y a pas de siège, les gens circulent. Ce n’est pas une installation, c’est un espace concert. Les gens sont très respectueux et à l’aise; un concert où les gens bougent.
- Le cinéma pour l’oreille, la notion que ne peut s’appliquer dans un contexte de théâtre. Au théâtre, il ne peut pas faire une musique qui entrerait en conflit avec le texte. Même chose au cinéma, qui supporte mal la musique électroacoustique.
- Nécessaire d’être très transparent. La musique semble sortir de l’image.
- (Pour info) « Paranoid Park » utilise un extrait d’une de ses musiques.
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