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Entrevue avec Charles de Mestral
Contexte de la naissance de Sonde
- Initialement le nom était Sonde / MUD (de « Musical Design »). Formation associée à l’improvisation. Le mot était utilisé par Mario Bertoncini, invité par alcides lanza (Université McGill, vers 1972–73). Il propose un atelier de design musical.
- Bertoncini communique, dans ce contexte, beaucoup d’idées sur la musique improvisée. Il avait une approche de l’improvisation combinée à l’usage de l’amplification et avait été associé antérieurement à Nuova conzonanza (musique électronique en direct).
Ce que Bertoncini a communiqué à Sonde
- Façon de reproduire la rythmique et le mélodique éclaté de l’esthétique musicale de l’époque d’une façon très musicale, très concentrée. Quand on produit un son à l’aide d’un objet, on ne fait pas n’importe quoi; il y a une tension dans (entre) le geste et l’intention.
- Déscription des instruments de Bertoncini : gongs, harpes éoliennes joués à l’air comprimée, Tiges jouées à l’air comprimé.
Leur approche du sonore
- Charles de Mestral réagit à une remarque à propos de la musique de Sonde : « pas tout à fait de la musique électroacoustique » (Mario Gauthier). Il n’est pas tout à fait d’accord et dit que l’électroacoustique se fait avec des moyens électroacoustiques, dont l’amplification des sons des objets.
- Ç’était un processus ressemblant à l’usage d’un microscope : ça donne à entendre les vibrations inhérente à la matière. Donc, respect de cette matière et faire ressortir ce qui est là veut dire respect de la nature du son. L’amplification est fondamental.
Explication de ce qu’est selon lui l’« électroacoustique »
- Mariage de sons réels + échantillonnage et enregistrement = deviennent traitables.
- Sonde a combiné l’approche électroacoustique et l’approche improvisatrice de Bertocinni.
La musique de Sonde
- Produite en concert par un processus d’amplification; il s’agissait donc de l’électroacoustique en ceci qu’elle utilisait l’amplification.
- Selon lui, l’amplification permet l’improvisation parce qu’elle permet d’aller chercher de petits sons très fins qui sont dans la matière et d’ainsi créer une musique électroacoustique.
Les outils de transformation
- Bertoncini a beaucoup influencé Sonde en les aidant à éviter les pièges. Il considérait que quand on composait de la musique, on s’interrogeait sur ce que l’on fait après avoir composé. Il voulait travailler la musique comme un sculpteur. Une recherche de ce que l’on veut exprimer, puis on cherche les outils pour exprimer. Sculpture sonore : on élabore un objet qui met en branle le monde sonore que l’on veut explorer avec sa composition.
- Bertoncini se considérait comme un compositeur de musique très conçu mais à partir de zéro, à partir des moyens et objets. La musique de Bertoncini.
- L’électroacoustique en rapport avec cette approche : amplification pour découvrir l’intime dans l’objet. Sa notion de sculpture sonore : l’électroacoustique fait parti des moyens de sculpter le son.
Les influences et fondements de la démarche de Sonde.
- Parmi les outils : filtres, modulateurs à anneau, « frequency shifter » de Hugh Le Caine. Explication avec comme exemple une des pièces de Sonde en concert (flûte et modulation).
- Ces instruments permettait d’étendre la palette sonore orchestrale, faisant référence à l’idée que cela est une extension de ce qui était déjà là (Mozart, Beethoven).
- L’approche de Bertoncini est une sorte de poésie sonore : approche sculpturale du son (une grande influence sur leur démarche).
Coté visuel; musique live /sur bande
- l’accidentel à priori dans la pratique de Sonde : quelque chose d’intéressant arrivait dans le rapport avec les auditeurs, la production de sons via de ces objets créait quelque chose.
- Le positionnement de Sonde face à l’électroacoustique : le live, l’aspect humain et humaniste.
- Le groupe contestait l’idée que la musique électroacoustique ne soit que de la musique sur bande. La musique sur bande est une musique qui est morte. Le musicien n’est pas là, ne fait pas vivre sa musique « in situe » , le musicien n’est pas là comme créateur dans l’instant mais comme diffuseur. Chez Sonde, l’objet est sur place, et la création se fait in situe.
- Le coté visuel n’était pas fait express mais avait comme conséquence un effet : le même qu’a, à priori, un orchestre (que l’on voit), mais sans plus. Cet aspect direct et immédiat très important. Fait le rapprochement avec le pop ou le live.
Liens avec l’électro / l’installation
- Spatialisation est un des paramètres de la musique en électroacoustique. Comme exemple, la conception d’un spatialisateur en quadraphonie qu’il a fabriqué et ses conséquences : découverte que la perception est assez fine pour différencier des espaces très fins.
- Pierre Dostie au Musée des arts contemporains ou à Tangente concernant l’installation. Pour eux les structure sonores doivent pouvoir être utilisé comme instruments.
- Parmi les aspects de leur travail il y a deux volets : musique live et le travail avec des artistes visuels qui venaient les rencontrer. Et eux prenait les matériaux de l’artiste visuel pour faire de la musique.
- Sinon, pour eux, n’avait pas de sens. Le crochet entre Sonde et les artistes visuels et l’objet et la matière. Ça les a amené à participer à des films de performances ou l’on voit et entend les résultantes de ce type de travail. Exemple : Pierre Pépin.
- Différence avec la performance au sens ou le terme est compris en art visuel: les artistes avec qui ils travaillaient ne concevaient pas les choses comme ça. St-Jean Port-Joli et le groupe Intersection.
Méthode de travail
- Ils ont commencé par l’idée de créer un petit monde sonore : cordes d’acier, plaque d’acier, etc., par exemple, « Les plaques ». Pour créer cette pièce on fait toute une série d’improvisation exploration exploratoire pour trouver les sons caractéristiques de ces bidules (mailloche, archet, etc.). Petit à petit, on créé un petit monde sonore qui ressemblait à une pièce qui était cependant tout le temps en mouvance. Étaient conscient d’avoir une sorte de palette sonore mais toujours en expansion.
- Pour Sonde ça revient à une idée de Bertoncini : pas de potentielle récapitulation dans une forme sonate… une forme évolutive.
- Lien avec les musiciens de musiques aléatoires.
- Ils exploraient les choses d’abord, les expérimentaient puis les jouaient en public.
Autres champs d’intérêts / instruments / travail avec ces outils en concert; esthétique
- Les ondes cérébrales : élabore sur leur potentiel et décrit une invention conçue avec Keith Daniel : électricité du cerveau rendu audible, qui était assez spectaculaire.
- En termes d’instruments, Sonde avait une approche synthétique, mais modulaire et non « clavier ».
- L’instabilité des instruments n’est pas un obstacle : leur but était de laisser naître les sons, recommencer à 0.
- L’intention était de créer une poésie sonore (au sens de « une poétique du sonore ») qui différencie entre le son et l’intention.
- Il ne fallait jamais être prisonniers de l’outil qui génère le son sinon c’est la corporation Sony qui fait ta musique. Faire de l’électroacoustique ce n’est pas faire ce que l’appareil permet de faire, c’est faire à partir de cette possibilité, ç.à.d. se poser des questions : « Quels sont les principes de fonctionnements de ces outils et ensuite : qu’est ce que je veux, moi, faire avec cela : est ce que je veux le filtrer, le transformer, etc. » C’est l’esthétique qui est à la base de tout sinon on ne fait pas de musique qui est vraie.
- Il faut toujours pouvoir arriver à ça. Il faut tout défaire. On possède des moyens fantastiques, mais si on est dominé par les moyens, on est cuit. C’est pas ça faire de la musique… de l’art…
Le rapport avec l’auditeur
- C’était une approche qui devait être artistique… un désir de faire de la musique pour que les gens écoutent et que ça les touchent. On a pas rejoint des milliers de gens mais c’est comme la poésie. On aurait pu faire de la musique pop mais c’est pas ça qu’on voulait faire.
- Souvent, les découvertes faite en musique expérimentales passent très rapidement dans le grand public (via les bandes sonores de films notamment).
- Ça ne tombe pas dans l’oubli, mais dans le commercial, et ce de plus en plus rapidement. S’il n’y avait pas ce type de recherche, la musique pop serait encore plus plate qu’elle l’est maintenant. La musique pop des années 90 et de sa platitude.
- L’uniformisation de la musique : selon lui, la musique marginale prendra peu à peu la place.
Le direct / perception / impact et réception
- Il ne sait pas si leur musique a touché mais croit que c’était une musique touchante et vraie. Le fait de voir sans mystère devait créer quelque chose.
- Une sensibilité d’écoute apporte une perception qui oblige à être attentif au monde sonore. Considère, à l’instar de Schaeffer qu’on ne sait plus écouter… et que c’est une chose importante. L’importance d’être sensible à ce que l’ont entend, ce qui sous-tend : être là.
- Démarche humaine et esthétique par le moyen du son dans le monde du son.
- Certains musiciens trouvaient que Sonde ce n’étaient pas des musiciens : une question de définition de mots. Sonde faisait une forme de musique parmi d’autres : sa musique est une sorte de poésie sonore.
- Déçu de la réponse du milieu musical : les artistes de d’autres milieux (danse, théâtre, etc.) étaient plus intéressés (Marie Chouinard, par exemple). Le son se produit par le geste et le moment. Le milieu musical ne savait pas ou les placer.
- Sonde a été chanceux de ne pas être liés à une école, ce qui leur a a donné de la liberté de faire ce qu’il voulait.
- Travail assez marginal — ces musiques sont comme la poésie : on ne peut pas s’attendre à un énorme diffusion. Pourquoi chercher à rejoindre de larges audiences ? Décalage entre la dimension économique et esthétique.
- On a fait ce qu’on a voulu faire. Ils se sont interrogé sur le pourquoi de cela et ne savent pas pourquoi ils l’ont fait, mais ils devaient le faire.
- A appris à écouter en faisant ça sur scène. Ce processus d’improvisation, c’est comme l’expérience directe de la créativité de l’écoute.
Impression / expression (d’après Sonde)
- Sonde n’était pas dans le sens ou John Cage l’entendait quand il faisait une distinction entre le travail du compositeur, de l’exécutant et du public.
- Plus romantique que cela, ils voulaient faire de la belle musique qui touchait les gens. Assez naïvement. Ils espéraient que les sons qui les fascinaient fascineraient aussi les auditeurs.
- Pour eux, cela avait un rôle de prisme : les sons étaient trouvé par eux et l’intensité de leur audition. Ils l’espéraient communicable… : « écoute ça : je trouve ça fascinant ».
Vitesse de changement
- On a des moyens magnifiques et énormes. Mais dans ce contexte, on est perdu si on ne revient pas à la base : à l’écoute du son. Si on a pas cette réalité, cet aspect humain, on n’a rien. On a des sons qui bombardent mais pour rien. Ça ne peut pas être vraie.
- Il y a quelque chose qui n’a pas changé, c’est l’humain… et ses oreilles. Il reste le libre arbitre, le choix de décider. Il faut observer pour cela. En ce qui concerne l’écoute, il faut aussi ce contact premier : tenter d’être là , présent.
- Si la base (l’écoute) doit être là, si elle y est, on peut aller vite. Tous les moyens sont bons mais l’essentiel doit être là.
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