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Entrevue avec Jean Piché
Éléments biographiques
- [0:00] Vidéaste et compositeur, s’intéresse à la haute technologie. La situation de l’électroacoustique en 1971. Université Laval avec Nil Parent. Tout de suite fasciné par la musique électronique. Entend le terme par opposition à la musique électronique.
- [2:34] Comment faisait-on la musique à ce moment ? Il y avait la tradition de la musique concrète : magnétophone enregistrait comme ils le pouvaient sur bande. Il enregistrait des sons concrets et leur faisaient subir toutes sortes de transformations. + les premiers synthé analogues.
- [4:25] Déscription des synthés de cette époque : AKS, EMS, Moog, Arp etc. Il faisait aussi du « live electronics ». À l’époque on fait plusieurs choses — live, rubans, etc…. le terme « électroacoustique » était nouveau, incluait ces deux genres.
- [5:44] Groupe de musique Gimmel (Jean Piché, Marcelle Deschènes, Nil Parent et Gisèle Ricard), qui s’est ensuite élargit.
Qu’est ce qu’un synthétiseur analogique ?
- [6:05] Une partie génératrice : oscillateur, forme d’ondes, plus amplificateur et filtre. On connectait les modules les uns avec les autres. Particularité: Voltage control qui permettait de contrôler les fréquences er l’amplitude des fréquence et moduler un son par un autre. Aujourd’hui ç’est banal, mais à cette époque ç’était innovateur.
- Le AKS et son fonctionnement.
- [8:23] Très difficile de reproduire le même son à cette époque parce que l’instabilité à la circuiterie était inévitable… mais c’est ce qui en faisait l’attrait (distingue univers quantique et l’univers continue : coche entre les états / illimité). Selon lui, cet état à engendrer cette mythologie sur la chaleur du son analogique : ce vague faisait qu’on pouvait obtenir des choses différentes.
- [10:00] La citation de [Françoise] Barrière comme quoi la fixation du son est le plus grand avènement musical depuis Bach : vrai ? Accepte et rejette cette suggestion: En ceci que pour lui la fixation du son n’est pas en soi une technologie musicale, c’est une technologie d’archivage. Pour lui, technologies musicales sont reliées au geste. Évident que l’avènement de la fixation a eu beaucoup d’effets et à donné naissance à une pratique musicale différente mais selon lui, l’instrument nouveau (et le seul) est la table tournante (le tourne-disque). La technologie d’enregistrement est moins et plus qu’une technologie musicale. Plus parce que cela touche tous les genres. Mais peut-on parler de technologie musicale ? Parle aussi dans le même sens de la guitare électrique.
- [12:43] Le fait de produire de la musique avec l’électricité. L’idée d’explorer un tempérament inégal. Mais cette possibilité a toujours été là. Oui. Évidemment, électricité peut étendre les éléments de langage. Idem pour l’informatique.
La musique de Jean Piché
- [14:30] Un art médiatique, ç.à.d. un alliage combinant plasticité et musicalité.
- Vidéomusique. Musique « pure » est autre chose. Constate que les pratiques musicales sont tellement éclatées qu’il essaie de s’extirper du langage musical « at large ». Il était devenu insatisfaisant pour un ensemble de raison liées à la technologie. Musique est abstraction dans le temps. Son travail est plus que de la musique et son travail n’est pas que de la musique. Art médiatique en ceci que produit avec avec les technologies. Audiovisuels.
- [17:34] Vient de la question « structurante » ou de la question « est-ce de la musique ? ».
- Art du son dans le temps, question de la musique est très englobant. Il a choisi de mettre des images sur sa musique grâce à son insatisfaction face au lieu public de la musique et de son expression à l’intérieur de ça. Trouve encore difficile la question de la présence publique de la « musique électroacoustique » qui est sans interpète.
- [19:50] Élabore sur ce point.
- La présence concert est par définition dénaturé en électroacoustique. L’idée du concert est performance « live » — quand on va entendre une symphonie ou une sonate on va entendre cet interprète. Ce qui fait l’expérience du concert est une forme de communication entre le musicien et le public. La question de la provenance de la musique ne se pose pas. Le jeu est l’émetteur, l’expressivité du musicien se produit à ce moment-là.
- Cela est impossible dans toute communication médiatisée. Même si on peut reproduire l’illusion, la communication se fait en direct. Aucun art médiatisé crée cela. Même live électronique est factice parce que on ne sait pas ce qui se passe entre le geste et le son émis.
Vidéomusique
- [25:00] Concert de laptop, factice. Idem pour la diffusion sur haut-parleurs où il manque cet engagement total de l’interprète ou du musicien. Pas de véritable communication. Il veut engager les gens dans une expérience dans laquelle ils ne pourront pas vivre autrement. Lien avec le cinéma : expérience totale similaire à celle du concert.
- Quand il a commencé la vidéomusique, cette idée était de donner une expérience audiovisuelle où la musique devient le mode d’expression principal, même pour l’image.
Création d’une image d’un point de vue musicale
- [27:00] Il y a toute une école américaine de « Visual Music » qui a comme objectif de créer des images qui sont inspirées par la musique (il pense aussi à Scriabine). Différentes pratiques nées au 20ième siècle. Les œuvres nées de cela ne sont généralement pas très convaincantes. Celui qui a poussé ce concept le plus loin : les frères Whittney, qui ont fait des machines qui faisaient des mandalas, etc… Ils ont fait des expériences encorcelantes qui sont pilotés par des sons. Quand il s’est intéressé à ça, ça l’a fasciné, du fait de la simplicité des images et du son.
- Ce qui a changé ça : depuis les années 90, on peut manipuler les images avec la même subtilité. Il s’est intéressé à ça vers 1993… (explication de quelques techniques). Cela a donné la direction à son travail. Plutôt que d’établir une relation paramétrique entre le son et l’image il établit une relation parallèle. Le « workflow », les étapes de travail sont donc devenus identiques. Les artistes vidéos ne sont pas habitués à travaillé comme les musiciens. Lui à donc approché le médium de l’image de la même façon que la musique concrète. Il a commencé comme cela.
- [35:00] Question des sens non interpellés ? Pas que ça, il s’est senti interpellé par la richesse potentielle de l’image selon les mêmes schèmas que ceux de la fabrication de la musique. Ce qui était intéressant, il n’y avait pas de terme pour nommer ce qu’il faisait : il est resté « compositeur » et travaillait à ce moment avec un vidéaste. Le terme est né de la discussion qu’il a eu avec son collègue. Ce n’est pas le vidéoclip, la performance, le cinéma expérimental, etc. Il y en a de plus en plus. Il crois que ça va rester.
- [38:00] On remarque une tendance chez les compositeurs… Oui, ça arrive actuellement. Il a découvert que des gens avaient exploré ça, dont Oskar Fishinger, Walter Ruttmann, Koyaanisqatsi (Godfrey Reggio, Philip Glass), importante influence. Son premier film.
La représentativité de l’image
- [40:00] Retrace actuellement l’histoire de l’électroacoustique : richesse du son concret qui revêt son sens du fait de la richesse du son acoustique. L’argument des compositeurs de musique concrète [se base sur la] richesse du signal sonore initial. Dans les années 90, idem. L’image filmé offrait une richesse que l’image de synthèse n’offrait pas. Il s’est dit qu’il veut faire comme les compositeurs de la musique concrète des années 50. 25 ans plus tard, on peut faire des synthèse d’images qui sont aussi riches que la musique électronique; il fait donc la démarche des « électroacousticiens » maintenant. Important pour lui est que la complexité de l’image doit équivaloir à la complexité du son. Il cherche à atteindre une complexité d’expression.
- [45:35] Expression de quoi ? Il est convaincu que la musique ne dit rien, ça évoque. Mais l’image — si on reconnaît — devient narratif. Ce qui est un problème, car si reconnu, charge émotive et la musique sert de soutien. Donc, difficulté de trouver un équilibre qui fait que l’on ne peut pas avoir un sans l’autre et que l’un ne pourrait pas exister rien.
- [47:00] Exprime mais ne dit rien ? La musique n’est pas narrative. Mais actuellement il y a changement dans ça : les recherches sur la perception tendent à prouver le contraire. Les musiques font donc appel à des affects collectifs mais peut être en dehors de ça (abstraction complète). Cela est extrêmement difficile à faire en image et en musique. Donne l’exemple d’un Picasso. Le travail de perception crée possiblement « l’expresssion » (complexité de surface / de structure). Les musiques les plus simples sont parfois les plus complexes. Donc, ça se situe dans la finesse du travail : comment le matériel se structure-t-il ? etc… L’émotion? Difficile car dans sa musique, il tente d’adopter un discours qui touche. Et il ne sait pas ce que cela veut dire, mais il a le désir de communiquer.
- [52:00] Piché ne cherche pas à parler avec ses pairs. Cela ne veut pas dire qu’il désire parler au plus grand nombre. Il fait ce qui l’intéresse.
- [53:00] Mais il y a un désir de « passer à quelqu’un ». Oui. Si quelque chose me parle, ça parlera à quelqu’un. Plus grand ou plus petit nombre importe peu. Il aime aussi se faire plaisir. Une boîte noire ! Oui. Et il espère que l’on s’y retrouve.
Comment se met en place une pièce ?
- [54:00] Par les images il est plus facile : trouve une couleur, un rythme. Il n’a pas le choix de faire ainsi car le processus est plus long et large. Ça commence avec une idée d’image, de couleur, de mouvement, etc… Il génère ces images, puis tout de suite essaie quelque chose de musical. Il projette un peu, et à partir de ce moment, travaille l’image puis la musique.
- [56:00] En ayant à l’esprit ce qu’il veut entendre ? Oui, il cherche les tempos, les timbres, mais ne composera pas à ce moment. Le détail lui donnera des points d’ancrage (syncrèse). Il y a là parfois un piège mais quand même. Il choisi les points d’ancrage où le sonore et le visuel vont être très syncro et ensuite va suivre le mouvement. Une fois cela fait, il va repasser sur l’image et l’ajuster. Il fait deux ou trois passages et la pièce finit comme cela.
- [58:40] Comment fonctionne-tu avec l’outil (influence de l’outil sur le résultat) ? Piché a beaucoup travaillé en informatique musicale et dirait que — et c’est une des raisons pour lesquelles l’image l’a attiré — ça manque de défi. Il est un bidouilleur, en informatique, a écrit des logiciels, etc. Quand il a approché l’image, le son était devenu trop facile. Trop facile d’« épater le bourgeois » [dans le sense de la] complexité de surface. Il aime mieux faire le contraire. Idem pour musique algorithmique et sérielle. Tout ça était devenu trop simple pour lui et c’est pour cela qu’il a utilisé l’image : difficulté.
- [1:02:30] Pour cela est-ce que tu as été au delà du sac à truquage (aller au deça et en delà des outils) ? Oui, faire quelque chose de plus humain, car une fois la complexité décelé… il n’y a pas d’intérêt. Il s’intéresse à la complexité en finesse. L’œuvre doit avoir d’abord une capacité communicative et il cherche à trouver ça. L’essence de ce que l’on a à dire. C’est davantage une question de toucher et de toucher sans artifice.
- Le problème face à ça est qu’il y a des codes non partagés. Embêtement… « La première chose que je dis à mes étudiants est ne faites pas compliqué si vous pouvez faire simple ».
- [1:06:41] Paradoxe, non ? Compte tenu de ton parcours… Oui, mais plus des éléments de langage qui sont sa préoccupation. Michel Longtin.
Standardisation via plastification
- [1:07:28] Il y a risque que cette musique devienne aussi connoté sans acquérir la noblesse. Le problème de la technologie qui a un effet direct sur l’objet crée, c’est ce qui fait que l’œuvre durera ou pas (si on s’en rend compte, l’œuvre ne durera pas). Il donne l’exemple des plugins GRM à Bourges.
- Une idée qu’il commence à partager dans une certaine mesure : n’est électroacousticien que ceux qui sont en mesure de forger leur propres outils. Comme exemple il donne ses étudiants, qui sont de plus en plus fort en programmation.
- Il y a, grâce à ce phénomène, des problèmes de médiocrité. Est-ce une bonne chose ou non ? Il ne sais pas… Il ne sais pas surtout si cette façon de faire lèguera des grandes œuvres.
- [1:12:00] Éphémérité. Rien ne se relèvera de ce qui est en train d’advenir (simplification). La notion de valeur est en train de devenir extrêmement éparses. Que vaut une œuvre d’art quand tout le monde est capable d’en faire? Il donne l’exemple de Reason qui a générer la techno.
- [1:14:00] C’est la notion d’œuvre qui est en train de partir. Oui. Un argument qu’il avait dans les années 80 : c’est le programme qui crée la valeur de l’œuvre. L’œuvre devient une preuve comme quoi le concept tient.
- Les outils sont extrêmement puissants et font que tout le monde peut faire une « œuvre qui se tient ».
Comment vois-tu l’évolution du genre, en vois-tu une ?
- [1:15:55] C’est un genre qui va disparaître. On s’en va vers quelque chose dans lequel les interprètes vont être réintégré. La capture du genre va devenir importante. Tout va devenir électroacoustique. On retrouvera alors cette connexion d’immédiateté.
- Ce qui a fait l’attrait de l’électroacoustique était sa palette sonore. Et la seule raison pour laquelle on le faisait sans interprète, ce n’était pas possible. Donc maintenant que ç’est possible, l’électracoustique va disparaître. Il restera avec un peu de chance, le support fixe, pour la radio, mais pas pour le concert. La musique électracoustique sur bande, faite pour la radio. Il espère aussi que la vidéomusique restera.
- [1:19:00] À quoi fait appel l’écoute d’une œuvre électracoustique perceptivement ?
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