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Ne pas dépendre du futur, tant que nous n’y sommes pas

Les enjeux
Points faibles
 Organisation et métadonnées
 Matériel
 Supports
 Logiciels, obsolescence et gestion des droits numériques
 Le logiciel : le revers de la médaille
Conversion et mise à jour
Considérations politiques
Annexe 1 : Réparation d’une cassette et remplacement du boîtier
Annexe 2 : Autres éléments d’intérêt
Annexe 3 : La détérioration des CD et des DVD
Notes/Bibliographie
| Biographie

Le Présent connaît déjà sa fin; elle apparaît sous les traits de la reproductibilité, du contrôle et de l’assistant informatique. La perfection numérique s’accompagne également d’une part de destruction pour une génération d’artistes. La pratique des artistes sonores, de la composition assistée par ordinateur jusqu’à la musique acousmatique, dépend en grande partie de la technologie. En fait, la technologie électronique est le support physique intégral de la manifestation de l’œuvre.

Pendant un siècle de technologie audio analogique, la durabilité à long terme n’a pas souffert autant que la reproductibilité. Pour le dire simplement, un disque en gomme-laque abimé, un ruban cassé, un disque vinyle déformé, une page déchirée ou un circuit grillé, tous ces bris pouvaient être réparés avec de la colle, une presse à coller, un fer à repasser, du ruban adhésif, un fer à souder et des pièces génériques.

La technologie numérique est fragile. Il suffit qu’un disque soit rayé et c’en est fait; s’il n’est pas irrémédiablement détruit, la récupération de son contenu peut être coûteuse pour un artiste ne bénéficiant d’aucun soutien institutionnel. Une détérioration invisible de la surface du disque peut s’avérer fatale. Un disque dur qui plante est encore pire. Un logiciel verrouillé peut empêcher la poursuite d’un projet. De nombreux systèmes d’exploitation, formats, protocoles, supports protégés par chiffrement et appareils ou dispositifs propriétaires sont abandonnés par l’industrie.

Les artistes ont bien souvent peu de moyens; aussi, est-il trop tard pour la majeure partie de leur travail qui est sans doute déjà désuète. L’archivage est réservé à ceux qui ont les moyens, le pouvoir, les contacts, par exemple les bibliothèques présidentielles ou ministérielles, ou encore les universités. En art, l’archivage fait rarement l’objet de financement public. Même les universités conservent leurs archives non pas tant parce qu’elles en auraient la mission que parce que des fonds ont été mis de côté à cet effet. Elles s’attaquent aux problèmes d’obsolescence et de migration de format lorsqu’elles peuvent embaucher une équipe spécialisée et construire des installations appropriées pour l’archivage dont le financement est assuré à perpétuité. Les archives audio du Center for Southwest Research de l’Université du Nouveau-Mexique ont été créées en 1964 et contiennent près de 1 600 bandes audio, soit moins de quatre fois le nombre de bandes que contient mon propre studio. Le Center for Contemporary Music at Mills College accumule les subventions pour la restauration d’enregistrements datant des années 1960. La Fondation Daniel Langlois de Montréal a accueilli une collection de 250 compositions électroacoustiques d’Amérique latine.

Mais les artistes individuels n’ont ni les moyens ni les ressources pour préserver leur travail. Cet article s’adresse aux artistes indépendants et aux organismes artistiques de petite taille, préoccupés par la restauration et la préservation d’œuvres d’arts technologiques, qui n’ont aucun budget de conservation ni d’objections d’ordre philosophique concernant l’archivage. Les artistes associés aux universités devraient profiter des capacités d’archivage de leurs institutions et de leur propension à recevoir des dons destinés à la conservation.

Les enjeux

Pour entreprendre le processus d’archivage, il faut d’abord mesurer l’étendue de la question. Le gouvernement américain n’est plus en mesure de lire les données de ses vieux recensements (voir Merrill), la production de l’appareil capable de lire les bandes 9 pistes informatisées ayant cessé il y déjà plusieurs années. Au Royaume-Uni, la détérioration du support a rendu illisible la version numérique du projet Domesday Book of 1086, dont les coûts s’élevaient à plus de 2,5 millions de livres. La détérioration du support pose également de sérieux problèmes aux studios d’Hollywood (voir Chute).

Même les supports les plus courants sont sujets à la détérioration et risquent de devenir désuets. Les données stockées sur disquettes et cassettes ne sont pas en sécurité. Les programmes de commande des logiciels audio stockés sur des mémoires EPROM s’effacent. Des formats vidéos analogiques ou partiellement numériques sont disparus ou sont en voie de l’être : les supports Sony Portapack et U-Matic, Beta, VHS, VHS-C et les bandes 8mm (y compris les enregistrements audio haute-fidélité) et les disques vidéo grand format (à décharge capacitive). Tous les enregistrements réalisés à l’aide d’appareils qui ne sont plus en production (données stockées sous des formats exclusifs qui ne sont pas encore converties), ou qui nécessitent des appareils de reproduction très complexes sont pratiquement perdus.

Où s’en vont tous les supports numériques? Non seulement les CD et les DVD, mais aussi les disques durs avec interfaces IDE ou SCSI, 1394 ou USB. Autrefois, le gouvernement américain était sur le point de s’engager en faveur de la norme S100, tout juste avant l’arrivée du PC d’IBM. Et même si les appareils survivent, quels logiciels seront en mesure de lire les anciens formats PC ou Mac? Comment pourrons-nous extraire le contenu audio de disques compacts rayés ou sujet à la détérioration de leurs propriétés chimiques? Comment pourrons-nous récupérer le contenu évanescent des cartes EPROM ou flash?

Quelques questions encore… Êtes-vous lié au logiciel d’une compagnie en particulier? Plus précisément, un logiciel protégé par un système de gestion des droits numériques (GDM)? Dans l’éventualité où cette compagnie disparaît, qu’adviendra-t-il des sources de vos créations électroacoustiques? Devez-vous protéger et entretenir vos vieux ordinateurs afin d’être en mesure de lire ces données et d’utiliser ce logiciel? Et qu’arrivera-t-il si votre clé électronique ou votre disque dur chiffré ne fonctionne plus? Et si vous n’êtes plus en mesure d’obtenir d’autorisation d’une compagnie en raison de sa disparition, ou à la suite d’une décision de Microsoft ou Apple de ne plus soutenir un format, un logiciel, un appareil ou un périphérique que vous utilisez?

Aucun matériel numérique n’est en sécurité. Les mémoires statiques ou de type flash, qui sont pressenties pour servir à l’archivage, sont de plus en plus volumineuses et abordables. Mais quel appareil offrira, plus tard, une interface permettant d’en lire et d’en reproduire le contenu? De comprendre le sens de ces données, le son, les commandes, la spatialisation ou l’automatisation? Prenons seulement l’exemple des caméras numériques omniprésentes, dont la plupart utilisent un format exclusif. Les artistes qui utilisaient des caméras Konica il y a quelques années savent bien ce que ça signifie de voir leurs documents photographiques « emprisonnés » dans des produits délaissés par l’industrie.

Il existe bien sûr des réseaux distribués; nous y reviendrons plus tard. Internet peut paraître la solution idéale pour le stockage de données, mais cette possibilité repose sur la volonté des compagnies de stockage de rester actives et de ne pas mettre fin à leurs activités. On se rappellera l’exemple des distributeurs de MP3 de type « MP3 lockers ». Serez-vous victime de l’industrie?

Cet article recommande de cataloguer et conserver les archives en utilisant les meilleurs supports de stockage offerts sur le marché, et de voir à la mise à niveau des supports dès les premiers signes de leur désuétude. Tout ça représente un travail considérable.

Points faibles

Organisation et métadonnées

Si vous êtes disposés à archiver vos œuvres, faites-le sans tarder. Ne croyez pas qu’une nouvelle technologie règlera la situation. À moins de pouvoir compter sur un groupe de disciples — à la manière de Stockhausen —, votre œuvre disparaîtra peu de temps après vous. Commencez donc par vous organiser et établir la liste des points faibles.

L’organisation est très importante. Un interprète désirait récemment créer ma pièce on nix rest… in china pour trombone et bande, datant de 1973. Si la restauration et la numérisation ont nécessité plusieurs jours de travail, il ne m’a fallu qu’une minute pour localiser l’enregistrement et trouver les renseignements relatifs à la lecture. Certains compositeurs traitent leur œuvre comme un fardeau, d’autres comme une ressource. Certains divisent leurs activités musicales entre art et gestion. Je suis moi-même divisé, mais organisé.

La conservation exige un sens de l’organisation et de la gestion de l’information. La conservation comme telle n’est pas un problème; les bibliothèques sont remplies de matériel qui y repose depuis longtemps dans des conditions relativement stables, mais qui n’est tout simplement pas organisé, géré, bien identifié ou indexé. Les compositeurs sont reconnus pour la piètre qualité de l’identification de leurs propres pièces, esquisses, matériaux sources et copies, et ils évitent généralement le travail de triage et de destruction du matériel excédentaire.

En 1977, l’œuvre du dramaturge Kenneth Sawyer Goodman devait être colligée et annotée pour la Bibliothèque Newberry. Comme je travaillais sur place un jour par semaine, il m’a fallu trois ans pour identifier, trier, décrire et établir les renvois et les références pour le contenu de dix boîtes de matériel datant de 1911 à 1918, soit l’équivalent de 30 semaines de travail à plein temps pour gérer ces quelques années de travail d’un seul artiste. Que l’œuvre soit conservée sur une clé USB ou dans des boîtes bien emballées ne change pas grand-chose s’il n’y a aucune métadonnée. Ce qu’il faut, c’est un conservateur.

De la même manière, j’ai travaillé à la restauration et la numérisation d’œuvres de plusieurs artistes de musique électroacoustique. Aussi investis sont-ils dans leur travail, les détails manquent tout de même. Qu’y a-t-il sur la bande? Comment est-elle rembobinée? Parmi les différents exemplaires, y a-t-il des versions spéciales ou éditées, ou seulement des copies? Quelle est la vitesse? Quels sont les dispositifs de réduction de bruit? Combien de pistes? Comment ces bandes ont-elles été emballées? Y a-t-il un signal de référence?

Identifiez vos œuvres dès maintenant; peu importe le support, analogique ou numérique, consignez par écrit tout ce que vous savez à leur sujet. En ce qui concerne les œuvres numériques, ajoutez-y des renseignements relatifs au format et à la structure, joignez-y du matériel complémentaire, décrivez (vous pourriez même les inclure) le logiciel et le système d’exploitation nécessaires pour lire et recréer l’œuvre. En l’absence des renseignements pertinents, une installation environnementale à canaux multiples, réalisée avec Cakewalk 2, Windows 3.1 et deux cartes SoundBlasters, et compressée en fichiers « Wave » sur une série de disquettes, sera impossible à recréer.

Et en attendant qu’un support réellement stable et durable soit mis au point, convertissez votre matériel archivé à l’aide des nouveaux supports avant que le support courant devienne inutilisable ou cause des dommages irréversibles. Ce qui, sur un carton, peut sembler n’être qu’une simple tache peut tout de même rendre inutilisable le contenu entier d’un disque ou d’une carte-mémoire. Aussi, assurez-vous que les œuvres numériques sont transférées sur des supports plus stables (ou à tout le moins, plus actuels).

Ne tenez rien pour acquis. Il est primordial d’ajouter des métadonnées — ce que les œuvres contiennent, des mots-clés, comment les œuvres sont identifiées, la terminologie employée, les caractéristiques de leur reproduction, des considérations d’ordre stylistique, les logiciels et systèmes d’exploitation utilisés, les procédures de présentation et d’exécution. La création de documents sur papier n’est pas si difficile qu’on le croit, même si le tri, l’indexation, la numérisation et la photographie nécessitent beaucoup de temps. Cependant, les œuvres graphiques et tridimensionnelles, les performances, les improvisations et les pièces électroacoustiques ne contiennent pas en elles-mêmes toutes les informations; il est donc essentiel qu’elles soient accompagnées d’un corpus de métadonnées.

Une autre raison explique l’importance de l’annotation. Le compositeur William Osborne écrit : « L’utilité du DVD-ROM… est qu’il favorise l’accès, le transport, la reproduction, la disponibilité et le référencement par hyperliens. Il rend également le contenu accessible en ligne et permet ainsi de rejoindre un public élargi à travers le monde. » Ce sont bien les métadonnées qui permettent à l’artiste de « rejoindre un public élargi à travers le monde. » (New Music Box)

Gilles Yves Bonneau a composé plus de 300 œuvres, dont Timesweep, un oratorio d’une durée de douze heures pour solistes, chœur, pianos, orgue et orchestre. Gilles est mort il y a quelques années et il a légué toute son œuvre à son éditeur, en l’occurrence, moi-même. Dix-sept boîtes sont arrivées chez moi après son décès. Lorsqu’on jette un coup d’œil à tout ce travail, on se pose des questions. Pourquoi continuer à écrire sans public? Pourquoi écrire autant? Pourquoi écrire de manière si détaillée? Gilles avait l’habitude de dire : « La violette qui pousse au fond des bois a-t-elle besoin qu’on soit sensible à sa beauté? » Pour lui, la question demeurait sans réponse. C’était un compositeur privé, de stature locale. Peu enclin à chercher les occasions de performance, il n’hésitait pas à prendre position en faveur de ses collègues compositeurs. L’université où il a étudié ne souhaitait pas conserver ce matériel, pas plus que sa famille. Aucune bibliothèque n’en voulait. Ce matériel est maintenant entreposé dans ma grange, emballé dans le plastique et les boules antimites. Sans aucune métadonnée.

Le véritable travail d’archivage, par opposition au simple stockage, consiste à trouver l’information, et la rendre accessible aux outils de recherche. Les outils d’indexation automatisée comme ceux que l’on retrouve par exemple dans Microsoft Word sont de piètre qualité, en raison du fait qu’ils ne permettent pas d’évaluer le contexte, un défaut qui s’aggrave encore lorsqu’il n’y a aucun texte à numériser, comme c’est le cas avec les manuscrits, ni aucune image, comme c’est le cas de la musique électroacoustique. De plus, les caractéristiques physiques des originaux peuvent s’avérer déterminantes. De quelle ébauche s’agit-il? Quelles corrections ont été apportées? À cet égard, la version annotée de 1971 de The Waste Land, qui comprend des photos des différentes ébauches dactylographiées et manuscrites, est exemplaire. L’importance de cette édition pour les archivistes numériques est de deux ordres : il s’agit d’une part de l’édition définitive; d’autre part, la présence d’originaux sur papier permet l’examen des changements qui demeureraient indétectables sans ces originaux.

Le processus de numérisation comme tel ne comprend pas les données ou les métadonnées nécessaires à l’archivage. Ces deux processus sont encore compliqués et ardus. La reconnaissance optique de caractères (ROC) de textes imprimés fonctionne bien, mais elle ne tient pas compte du contexte. Les objets créés avec des technologies numériques, ou dont le contenu peut être converti avec beaucoup d’exactitude (ce qui n’est malheureusement pas le cas des partitions musicales manuscrites, au crayon à mine aussi bien qu’à l’encre), sont archivables, mais sous leur forme brute, ces objets ne sont pas encore des archives.

Par conséquent, en tant qu’artiste, vous devriez fournir des métadonnées non seulement au sujet du logiciel multipiste apte à lire vos vieux fichiers, mais aussi au sujet des documents produits sur papier, comme ceux réalisés avec l’Acousmographe du GRM (1). Et puis, qu’en est-il des fichiers de notation informatisés? À quel moment le format PDF tel que nous le connaissons sera-t-il déconseillé? Et qu’en est-il des costumes, des outils, des interfaces et des instruments personnalisés? En leur absence, tous les liens, matériels ou virtuels, sont rompus.

Dans les pratiques artistiques et technologiques à l’affût du progrès, les occasions de retour en arrière sont rares. Mais dans le domaine numérique, tenir compte du passé ne va réellement pas de soi. Une boîte de CD-ROM n’est pas la même chose qu’une boîte de manuscrits. Et archiver du matériel électroacoustique prénumérique n’est pas aussi simple que brancher le vieux TEAC dans la SoundBlaster, ce qui produit des enregistrements de mauvaise qualité — encore faut-il que la bande soit lisible (et il est fort probable que les bandes maîtresses datant des années 1980 ne le soient plus) — et finit généralement par donner un format lui-même fragile.

MATÉRIEL

L’entretien des anciens appareils est essentiel à la restauration ou l’archivage d’œuvres électroacoustiques, mais il est de plus en plus difficile de trouver un atelier pour ce genre de travail. C’est ici que les choses se compliquent. L’équipement demande de l’entretien et des outils spécialisés. Les points faibles du matériel varient en fonction de l’époque et du type d’équipement, mais certaines observations s’appliquent à l’ensemble des appareils moins récents.

Les défectuosités électroniques nécessitent des réparations de la carte, ce qui implique des compétences en voie d’extinction. La liste ci-dessous donne un aperçu des réparations possibles et de leurs modalités (temps, coûts, disponibilité).

Dans un studio bien équipé, il est parfois possible de réparer les défectuosités électromécaniques. Une recherche sur Internet permettra de trouver des tutoriels.

Un amateur bien déterminé peut parfois réussir à réparer certaines défectuosités mécaniques. Il n’est pas recommandé de le faire soi-même, mais si vous le faites, assurez-vous de débrancher l’appareil auparavant!

Supports

La détérioration des supports d’enregistrement est un problème très répandu qui affecte autant les anciens formats que les nouveaux. Un entretien approprié et de bonnes conditions de conservation sont essentielles pour assurer la longévité des supports, qu’il s’agisse d’un vieux disque en gomme-laque, d’un ruban datant d’une soixantaine d’années ou du plus récent DVD+R. Voici quelques recommandations concernant la conservation des supports et des méthodes de récupération d’enregistrements conservés sur de vieux supports. Le site Web « The Preservation of Recorded Sound Materials » est également une bonne source d’information additionnelle.

SUPPORTS analogiques

Conservez les originaux dans des conditions appropriées. Suivez les recommandations des fabricants de rubans concernant la température et l’humidité relative — habituellement, un taux d’humidité stable de 30 à 50 % et une température ambiante de 15 à 20 °C.

Faites des copies sur des supports numériques de la meilleure qualité offerte sur le marché en utilisant, si possible, l’appareil original pour la lecture. Suivez les recommandations du regretté Michael Gerzon, dont l’essai est toujours aussi pertinent, même après toutes ces années.

Les enregistrements les plus problématiques sont les bandes comprenant des raccords, les bandes mal entreposées, celles dont les formulations oxyde sont de mauvaise qualité et les supports désuets. Si les raccords sont en bon état, n’y touchez surtout pas! S’ils se séparent, refaites les raccords à l’aide de ruban adhésif de raccord « bleu » pour archivage.

Des conditions d’entreposage inadéquates peuvent endommager les bandes (rubans étirés et bordures plissées), entraînant par le fait même des pertes de signal et des problèmes de phase. On peut communiquer avec l’Electronic Music Foundation pour plus d’information sur les façons de transférer des enregistrements qui ont été mal entreposés.

Les rubans de mauvaise qualité causent bien des maux. Ces rubans ont tendance à coller et encrasser les têtes de lecture (en particulier certains rubans de matrice de marque Ampex des années 1980), ou l’oxyde se sépare de son support en raison d’un liant de mauvaise qualité. Ces rubans qui collent peuvent toutefois être chauffés (dans un four) à basse température, puis transférés avant qu’ils redeviennent collants. Les rubans dont le liant est de mauvaise qualité offrent peu de marge de manœuvre; il ne faut donc pas tarder et procéder au transfert dans les meilleures conditions.

Enfin, la situation peut s’avérer catastrophique si vous ne disposez plus de l’appareil permettant de lire un support désuet. Et même si vous avez encore l’appareil, courrez vite chez le réparateur le plus près pour remettre l’appareil dans son état de fonctionnement original, ou procurez-vous de nouvelles courroies et de nouveaux galets que vous remplacerez vous-mêmes (voir la section ci-dessus). De toute manière, procédez immédiatement au transfert des supports désuets et gardez les originaux dans des conditions de conservation contrôlées.

Recommandations supplémentaires

Cassettes

Conservez-les en position verticale plutôt que de les empiler sur le côté. Effectuez des rotations à quelques mois d’intervalle. Les boîtiers de certaines vieilles cassettes commerciales et de plusieurs marques de cassettes vierges ne sont pas vissés mais seulement assemblés par pression et sont sensibles à la lumière du soleil. Remplacez les boîtiers des cassettes. On peut se procurer des boîtiers, mais il est moins coûteux d’acheter 100 cassettes dont les boîtiers sont vissés, que l’on peut trouver chez des vendeurs comme tape.com, et de retirer le ruban pour n’utiliser que le boîtier. Les nouveaux boîtiers de cassettes sont non seulement plus précis, leurs composants (notamment les feutres-presseurs et les couches intercalaires) ne seront pas usés.

Il est encore possible de se procurer des blocs de montage, du ruban d’amorce et du ruban de raccord (la compagnie 3M n’en produit plus, mais on peut se procurer du ruban de marque Quantegy). Assurez-vous de retirer les languettes de sécurité! (À noter que les problèmes de gomme ne s’appliquent pas aux cassettes; voir la section ci-dessous sur les bobines et les problèmes de gomme.)

Annexe 1 : Réparation d’une cassette et remplacement du boîtier

Bobines

Les bandes sur bobine sont les formats plus répandus de l’époque des années 1950 aux années 1990. Les rubans ont connu divers formats et formulations. Les plus courants sont les rubans sur acétate ou sur polyester (Mylar). Les plus anciens étaient des rubans sur papier; le ruban de plastique de basse qualité est apparu plus tard. Les problèmes caractéristiques des rubans sont l’effet d’empreinte magnétique ou effet d’écho, les moisissures, les raccords de mauvaise qualité ou qui se séparent, et la détérioration (gomme, écaillage, dommages aux bordures du ruban). L’effet d’empreinte magnétique (préécho et postécho) est le transfert d’énergie magnétique entre les couches de ruban. Le phénomène s’observe plus facilement avec les rubans minces et en présence d’occurrences sonores subites ou d’éclats sonores. Pour éliminer les moisissures, il suffit de faire défiler le ruban à vitesse élevée en le faisant passer dans des tampons imbibés d’une préparation à base d’alcool que l’on tient délicatement entre le pouce et l’index. Les raccords doivent être nettoyés et réparés à l’aide de ruban adhésif de raccord « bleu ». Les rubans aux bordures plissées sont le résultat d’un mauvais enroulement ou d’un entreposage inadéquat. Ces dommages sont permanents, mais ils peuvent être atténués en rembobinant le ruban à basse vitesse et en l’entreposant pour une période prolongée.

Les problèmes d’écaillage et de gomme demandent des traitements particuliers. L’écaillage est irrémédiable; aussi, le transfert de rubans qui souffrent d’écaillage devrait être confié à des experts. Si cette solution s’avère impossible, il faut premièrement établir l’alignement et la vitesse (si ces informations sont connues), préparer le transfert en utilisant un appareil de grande qualité maintenu en bon état, régler les commandes et les niveaux de mesure à l’aide d’un ruban similaire en bon état, puis monter le ruban à transférer et effectuer le transfert. La probabilité de pouvoir refaire le transfert plus d’une fois est bien mince, en raison de l’écaillement de l’oxyde qui se détache du ruban et s’accumule au sol. Il faut brosser l’oxyde qui se dépose sur le bord exposé de la tête de lecture pendant le transfert.

La présence de gomme provoque l’arrêt du défilement en mode lecture, avance rapide et rebobinage. Il faut donc interrompre la manœuvre, et enlever les dépôts d’oxyde accumulés au dos du ruban, sur les galets-presseurs, les guides et les têtes du magnétophone (Annexe 2, fig. 12). Il faut ensuite rebobiner le ruban sans contact avec les guides ou les têtes. Il est possible de remédier temporairement aux problèmes de gomme. On peut se procurer un appareil standard utilisé pour la déshydratation de fines herbes, placer les rubans sur l’étage supérieur à une température de 40–45 °C. On retournera les rubans toutes les deux heures pendant 48 heures. Après avoir éteint l’appareil, il faut laisser refroidir les rubans à la température de la pièce. Ces rubans sont alors prêts pour le transfert, mais la gomme se formera à nouveau en quelques jours.

Les rubans sur bobine devraient être entreposés après avoir été rebobinés à basse vitesse, avec une rotation à quelques mois d’intervalle.

Vidéo et DAT

Les rubans VHS, VHS-C, Beta, 8 mm, DAT, DV, PCM et ADAT sont logés dans des boîtiers semblables à celui d’une cassette. Les formulations plus récentes éliminent (jusqu’à présent) les problèmes d’écaillage et de gomme. Toutefois, comme le procédé de lecture de ces rubans nécessite la sortie du ruban de son boîtier et son enroulement autour d’une tête rotative, les appareils mal entretenus peuvent froisser ou plisser le ruban lors de l’arrêt et de l’éjection et l’endommager. Des galets-presseurs et des guides sales peuvent rayer le ruban ou le rogner. Une manœuvre d’éjection qui échoue endommage toujours le ruban; l’entretien de l’équipement doit donc être confié à des professionnels.

Comme les bobines, il est préférable d’entreposer ces supports à long terme dans les conditions appropriées. N’oubliez pas les languettes de sécurité (inversées sur les rubans 8 mm). Si la récupération d’un ruban nécessite qu’il soit coupé, la coupe doit être faite au dos, à bonne distance de la tête rotative, à l’aide d’un long trait en diagonale.

SUPPORTS NUMÉRIQUES

La conservation à long terme du matériel numérique est plus compliquée; les directives suivantes ne sont donc que des suggestions préliminaires.

Si le matériel à archiver correspond au « produit final », il est bon d’en faire plusieurs copies en utilisant des formats différents — audio, vidéo, données. Les copies en format « données » seront plus exactes — plus récupérables grâce au protocole de détection d’erreurs de ce format —, mais les autres formats auront une durée de vie plus longue du point de vue de l’équipement nécessaire à leur lecture.

Si le matériel à archiver est un produit final plus complexe (CD/DVD multimédia, présentation interactive, diffusion/mixage en direct, performance d’ordinateur portable), il faut d’abord consigner par écrit les détails concernant l’œuvre (voir ci-dessus, « Organisation et métadonnées »). Cette étape est primordiale, car « la mémoire est une faculté qui oublie ». J’ai moi-même oublié comment mettre en marche une œuvre interactive que j’ai conçue dans les années 1980 parce que je n’avais pas noté suffisamment de détails sur son fonctionnement et sur l’équipement (désuet) nécessaire. Il faut être clair et détailler la plateforme matérielle (ordinateurs et interfaces) et les logiciels nécessaires, leur assemblage (y compris les schémas fonctionnels et les schémas de circuits et de connexions, sans oublier les informations concernant le bloc d’alimentation), la structure logicielle (systèmes d’exploitation, programmes, bibliothèques et modules d’extension ou plugins), les procédures de présentation (la « partition »), et les modalités de diffusion ou de reproduction de la pièce. Idéalement, on peut ajouter des documents (textes, enregistrements, photos) réalisés à partir de présentations jugées satisfaisantes.

En plus de ces notes, il est nécessaire d’archiver complètement tous les logiciels et toutes les données. Si toutes les créations ont été réalisées avec un seul ensemble de logiciels, vous croirez peut-être qu’une seule copie archivée de l’ensemble de logiciels suffit. Ne comptez pas sur des archives logicielles en un seul exemplaire. Comme les logiciels sont mis à niveau avec le temps et que des changements sont apportés — ce qu’on finit toujours pour oublier —, il est bon d’archiver tous les composants logiciels pour chaque pièce en un ensemble : textes et images, création finale, logiciels, bibliothèques, et modules d’extension (y compris les programmes d’installation, clés électroniques, licences et autorisations; il est bon de vérifier périodiquement auprès des revendeurs la disponibilité des clés électroniques pour les plus vieux logiciels).

Les matériaux sources ont beaucoup de valeur pour vous comme pour les archivistes. Vous souhaiterez peut-être fouiller dans une bibliothèque d’échantillons, extraire des pistes individuelles d’une œuvre plus « complexe » ou réaliser une nouvelle composition à partir de matériaux existants. J’ai l’habitude d’archiver les ébauches électroacoustiques (en fait, toutes les ébauches). Il n’y a pas de raison d’ordre philosophique à cela; je ne fais tout simplement pas confiance aux appareils et aux logiciels pour préserver l’intégrité des fichiers. Je place donc des copies des matériaux sources dans un dossier de travail et je sauvegarde le projet dans une série de nouveaux fichiers numérotés (QaXing001, QaXing002… QaXing091… QaXing179…). Ces données archivées seront gravées sur un CD à la fin du projet.

Entreposage et nettoyage

Les supports numériques comme les CD et les DVD ne sont pas d’une grande robustesse; il est donc conseillé de les ranger verticalement, avec une protection, au sec, sans rayure et sans étiquette. À la différence des disques commerciaux, la surface supérieure des supports inscriptibles est plutôt fragile; les étiquettes adhésives décollent progressivement le revêtement réfléchissant du plastique, et les stylos et marqueurs peuvent rayer la surface ou entraîner des réactions des composantes chimiques. La surface inférieure du disque doit être protégée contre les risques de rayures. Je préfère personnellement les enveloppes Tyvek ou de papier, dans lesquelles je place deux copies neuves du même matériel, face contre face. Les surfaces supérieures sont entourées de papier et les surfaces inférieures sont protégées l’une contre l’autre. Je conserve une troisième copie dans son propre boîtier pour usage courant.

Contrairement à la méthode de nettoyage des disques vinyles où l’on essuie la surface en « suivant le sillon », le nettoyage des CD et des DVD se fait en suivant le rayon du disque. D’après les fabricants, les rayures causées par la présence de grains au moment d’essuyer la surface du disque peuvent entraîner la perte d’un secteur complet de donnée si elles coïncident parfaitement avec le cercle du CD. Cette raison peut paraître douteuse ou exagérée, mais personnellement, je me conforme à la recommandation des fabricants.

La durée de vie des CD-R et DVD-R est moins longue que l’on ne le prétend. Une étude hollandaise (Verhagen 2003) a démontré la détérioration, sur une période de cinq ans, de données stockées sur des disques conservés dans de bonnes conditions, ce qui signifie qu’il faut prévoir beaucoup de temps et d’argent pour procéder au transfert vers de nouveaux supports avant que les données ne se détériorent. Certains fabricants ont mis au point des disques conçus pour l’archivage, comme le disque « Archival Gold » de Delkin.

Annexe 3 : La détérioration des CD et des DVD

Recommandations additionnelles

Disques durs

La fiabilité et la capacité accrues des disques durs en font des supports appropriés pour le stockage de projets numériques. Bien entretenus et mis à niveau, les disques durs peuvent contenir de nombreux projets dans leur intégralité. Les disques durs externes (USB ou 1394) sont passablement stables, mais ils sont sensibles aux chocs, particulièrement lorsqu’ils sont en marche. À l’heure actuelle, les disques durs d’ordinateurs portables et les disques Microdrive sont moins fiables que les composants de dimensions ordinaires.

Toutefois, une mise en garde s’impose. L’emploi de disques durs plus récents n’est pas sans risques, notamment celui de l’inscription des données au niveau de la plateforme matérielle. En cas de dysfonctionnement partiel d’un disque dur, la récupération de données risque d’être très difficile, sinon impossible; même la simple récupération de données contenues sur des disques durs standards par des professionnels peut s’avérer très coûteuse (peut dépasser 1 000 $ par disque dur).

La question devient alors la suivante : quand et comment mettre à niveau et convertir les données contenues sur des disques durs? Un projet d’archivage récent suggérait une durée de vie de plus de mille ans pour des archives numériques réalisées avec des disques durs standards groupés en systèmes autoréparables. Cette option pose toutefois le problème de l’accès au support pour les artistes indépendants. Une bonne part d’information déjà numérisée sur des supports bien moins intéressants est pour ainsi dire sacrifiée et abandonnée alors qu’il faudrait prendre le temps de la convertir à l’aide de formats courants. Une fois encore, la question du tri personnel par l’artiste se pose.

Mémoire flash

La technologie de stockage la plus récente est la carte mémoire ou carte flash. Les cartes actuelles (8–16 Go) sont économiques, stables et peuvent contenir des projets électroacoustiques entiers. Comme support d’archivage, la carte flash est prometteuse, mais elle ne saurait être la solution définitive. Les cartes flash mises au point en 2008 offrent prétendument jusqu’à 100 millions de cycles d’inscription/effacement, mais même la limite de 100 000 cycles des plus anciennes cartes flash ne sera jamais atteinte en contexte d’archivage. Les facteurs à prendre en considération sont plutôt la fiabilité physique, l’avenir des connecteurs et la conservation des données.

La conservation des données est un aspect mal documenté des cartes flash. On estime actuellement la capacité de conservation des données à dix ans, mais cette estimation est limitée tout simplement parce que les cartes flash commerciales ne sont pas assez vieilles. Comme tous les supports effaçables, la carte flash est sujette à la perte de données; on ne devrait donc pas encore compter sur ce support pour le stockage à long terme. Une fois de plus, il faut penser à la conversion et aux copies de sécurité.

Pour en savoir plus, voir « A Nonvolatile Memory Overview » de Makwana et Schroder.

Sur quel support peut-on conserver les archives numériques?

Les anciens supports (disquettes, disques Zip, rubans de sécurité, etc.) sont maintenant désuets. Le choix se limite actuellement aux supports suivants : CD, DVD, disque dur, carte flash ou Internet. Jusqu’à tout récemment, le CD était considéré comme le support idéal, mais sa durée de vie semble sur le point d’atteindre sa limite.

 

Avantages

Inconvénients

DVD

Coûts de stockage abordables (coûts estimés de 0,30 $ par heure de données audio 24 bits-96 kHz, taxes exclues); ne peut être effacé (le DVD-RW nécessite l’autorisation de l’usager); support de stockage de données pratiquement universel.

Vitesse de transfert de fichiers de grande dimension relativement basse; manque d’information relative à la fiabilité à long terme (en particulier les DVD-RW); facilement hors d’usage en raison de rayures ou de fractures de stress; absence de format universel de données; dimension/capacité fixe, les projets de dimension importante nécessitent la répartition sur plusieurs DVD; source de pollution.

Disque dur

Vitesse de transfert élevée; coûts de stockage abordables (coûts estimés de 0,30 $ par heure de données audio 24 bits-96 kHz, taxes exclues); densité de stockage élevée (50 heures de données audio 24 bits-96 kHz sur un disque de 1 To); dimension/capacité non fixe.

Exposé aux risques d’effacement accidentels (ne peut être protégé contre l’enregistrement); susceptibles d’être endommagé à la suite d’un écrasement de tête ou d’une défaillance survenue lors d’un remplacement à chaud; formats des connecteurs susceptibles de devenir désuets; panneaux de contrôle susceptibles de griller; grippage de roulements et immobilisation des bras d’accès; plusieurs formats sont susceptibles de devenir désuets ou illisibles; source de pollution.

Carte flash

Stabilité relative; faible consommation d’énergie; compacte; difficile à endommager physiquement; capacité de stockage en croissance rapide.

Vitesse de transfert peu élevée; coûts de stockage élevés (coûts estimés de 10,00 $ par heure de données audio 24 bits-96 kHz); manque d’information relative à la durée de vie à long terme; facile à égarer.

Internet

Très distribué; stabilité relative de l’interface à l’égard des éventuels changements; accès quasi universel; « pérennité numérique » des œuvres d’art.

Vitesse de transfert de fichiers volumineux peu élevée; coûts de stockage élevés en dehors des forfaits de base (8 Go gratuits chez Google en 2008); nécessite une connexion; incite à l’archivage de formats compressés; problèmes de sécurité (piratage); accès dépendant du succès des entreprises offrant le service de stockage en ligne.

Tableau 1. Comparaison des avantages et inconvénients des formats numériques de stockage.

Avec les possibilités de stockage sur Internet, plusieurs projets ont vu le jour, dont Google Books, qui numérise 3 000 livres par jour, Lots of Copies Keep Stuff Safe (LOCKSS), un système de serveur pour contenu numérique en ligne, MetaArchive, une coopérative de conservation numérique, et le Online Computer Library Center (OCLC, maintenant fusionné avec le Research Libraries Group). Ces deux derniers organismes se proclament « institutions de mémoire culturelle », ce qui est pour le moins un euphémisme intéressant lorsque l’on pense que leur « mémoire culturelle » ne comprend que les « institutions » et exclut les artistes indépendants. Néanmoins, tous ces projets multiplient leurs efforts pour relier les archives entre elles, rendre leur accès public et, ce qui est plus remarquable, archiver de nouveaux contenus.

Ce dernier processus d’archivage exclut les individus pour l’instant, mais leurs logiciels (en particulier celui du LOCKSS) peuvent être installés sur des serveurs individuels pour ainsi les intégrer à un ensemble d’archives consultables. Il n’y a aucune restriction de formats, du moment que le contenu est numérisé et accessible au serveur. L’archivage nécessitera un peu de jugement, ce qui semble être une denrée rare (« Avons-nous vraiment besoin de conserver ces esquisses de la 5e symphonie? Après tout, nous avons la version publiée, non? »), mais un système d’archivage mondial ouvre de nouvelles possibilités en terme de fiabilité, de redondance multiple et de facilité d’entretien.

Logiciels, OBSOLESCENCE et gestion des droits numériques

Le logiciel est maintenant l’outil principal de l’artiste électroacoustique. Il est fiable et relativement portable si l’on fait abstraction des problèmes de compatibilité entre les plateformes. Il est sujet à l’obsolescence et sa postérité dépend de celle des appareils et systèmes d’exploitation plus anciens, mais ceux-ci devraient être archivés adéquatement — idéalement du moins — jusqu’à ce que de futurs logiciels soient en mesure d’en imiter le fonctionnement. Dans le meilleur des mondes, au fur et à mesure que des appareils et des logiciels deviennent désuets, d’autres logiciels les remplaceraient. Mais la réalité est toute autre.

L’aspect le plus pernicieux de l’utilisation du logiciel est qu’il crée des attaches ou des liens de « dépendance ». Les créateurs de logiciels commerciaux exploitent les droits d’auteurs, les brevets, les secrets de fabrication et le verrouillage logiciel, et offrent au consommateur bien peu en retour, si ce n’est que le risque, la douleur, la déception et la frustration. À la remorque des changements de systèmes d’exploitation et de la correction de bogues, les vendeurs de logiciels lancent trop rapidement de nouvelles versions qui n’ont pas été suffisamment testées, refilant ainsi les problèmes aux acheteurs.

Les détenteurs de droits d’auteurs commerciaux ont mis en place des systèmes de licence complexes qui n’offrent aucun recours aux consommateurs. En plus d’être libérées de leurs responsabilités par l’acte du consommateur qui déchire l’emballage du produit ou qui clique sur le bouton d’acceptation d’un contrat de licence d’utilisation avant que le logiciel puisse être testé sur l’ordinateur de l’acheteur, les compagnies ont créé des mécanismes de protection contre la copie de plus en plus intégrés aux logiciels, dont la clé électronique ou dongle (qui est une sorte de clé attachée à un des ports de l’ordinateur), l’autorisation (une clé logicielle créée à partir de la configuration matérielle de l’ordinateur) et les dispositifs matériels de gestion des droits numériques (GDN). Tous ces mécanismes lient l’acheteur au vendeur.

Le mécanisme d’autorisation le plus simple est celui où l’acheteur installe le logiciel et un programme de protection contre la copie qui examine l’ordinateur et produit un code d’interrogation (ou challenge). L’ordinateur doit ensuite communiquer avec la base du système d’autorisation et fournir le code d’interrogation, après quoi il recevra une réponse chiffrée. Les deux codes (question et réponse) sont donc nécessaires au fonctionnement du logiciel et si un élément de l’ordinateur utilisé par le programme d’autorisation pour générer le code d’interrogation est modifié, la réponse chiffrée ne correspondra plus au code d’interrogation. Un nouveau code sera nécessaire et l’acheteur devra alors convaincre un représentant de l’entreprise que l’utilisation du logiciel pour lequel il a déjà payé devrait être autorisée.

Les compagnies soutiennent que les critiques au sujet de la protection contre la copie sont exagérées. Pour le consommateur, la protection contre la copie est inhérente à la technologie informatique. Ross Bencina écrivait :

Cycling 74 (qui vend Max/MSP) fait un excellent travail pour mettre au point un des outils musicaux les plus puissants du monde. Et ils sont assez flexibles lorsqu’il s’agit d’obtenir de nouveaux codes d’autorisation. Si vous ne voulez pas utiliser leur programme, c’est correct, mais je ne vois pas pourquoi il faudrait s’indigner à propos d’une décision qu’ils ont prise dans le but de favoriser la viabilité financière de leur entreprise. (Forum de discussion AudioMulch)

Mais d’une part, aucune étude n’a encore démontré de lien entre la protection contre la copie et la viabilité financière. D’autre part, soulever des objections d’ordre éthique ne relève pas de l’indignation. (Quant à Bencina, sa stratégie concernant le développement de son propre logiciel, AudioMulch, consiste à fournir des numéros de série aux acheteurs légaux.)

Les anciens mécanismes de protection contre la copie ont favorisé l’émergence de formes de protection « furtives » dont l’incarnation la plus récente est la gestion des droits numériques (GDN) soutenue par les lois de droits d’auteur favorables aux entreprises comme celles en vigueur aux États-Unis, au Canada et dans les pays membres de l’Union européenne. La GDN est intégrée non seulement aux lecteurs DVD, mais également aux ordinateurs compatibles avec le système d’exploitation Windows Vista. Avec l’apparition des disques durs chiffrés au stade de la fabrication, le sort des créations des artistes est alors assujetti aux aléas des entreprises. (Il y a plusieurs années, j’ai proposé un système d’« autorisation entiercée ». Une tierce partie liée par contrat posséderait un générateur de code d’autorisation qui serait utilisé dans l’éventualité où le fabricant du logiciel cesse ses opérations, ou à la fin du cycle de vie du produit. Ce système n’a jamais été adopté.)

La plupart des utilisateurs croient que les fabricants de logiciels continueront de soutenir leur produit à l’avenir, mais aucune loi ne les y oblige. En fait, presque tous les contrats de licence d’utilisation de logiciels et les garanties comportent une clause de cas de force majeure, permettant de mettre fin aux conditions de la licence en raison de facteurs tels que « incendie, grève, conflit armé, agitation politique, actes terroristes, règlementations gouvernementales, catastrophes naturelles, ou tout autre facteur échappant au contrôle raisonnable de la partie souhaitant se prévaloir de la clause de cas de force majeure ».

Comme le constatent les archivistes, la perte actuelle des créations de notre histoire technologique récente est catastrophique. Les œuvres électroacoustiques disparaissent lentement, une après l’autre, en laissant derrière elles des traces à peine visibles pour ceux qui choisissent d’y être sensibles. Nous, artistes — toujours emballés par le progrès et occupés à réaliser de nouvelles idées et à nous détourner du passé —, nous sommes devenus les agents et les victimes de ce désastre historique imminent et nous accueillons à bras ouverts le démantèlement de ce que nous nous sommes efforcés de bâtir.

Tout cela est une question de volonté et de considérations économiques. Les compagnies enregistrent et archivent tout — ce qui a donné naissance à ce champ qu’on appelle « gestion de documents » — et conservent de grandes quantités de supports numériques, microfilms et autres formats dans d’immenses entrepôts souterrains. Si les artistes avaient développé des pratiques de gestion de documents, et si les fabricants étaient sensibles aux questions de migration des contenus et à la compatibilité des plateformes et des produits, nous pourrions nous inquiéter un peu moins de la perte, délibérée ou par négligence, de toutes ces créations d’une époque.

Point besoin d’être obsédé par l’histoire pour mesurer l’immensité de ce qui nous attend. En achetant des logiciels protégés, nous contribuons à la future disparition de notre passé.

Le logiciel : LE REVERS DE LA MÉDAILLE

Les artistes abordent leur travail avec beaucoup de sérieux, de sensibilité et un grand sens du détail. Que ces mêmes artistes croient que la technologie numérique est leur alliée et qu’ils nient les effets de la numérisation a de quoi nous étonner.

Par exemple, on peut se demander quelle perte la compression entraîne. Son effet est la plupart du temps psychologique, au sens où elle élimine des éléments qui sont masqués, pour l’ouïe ou la vue, lors de la reproduction normale. Mais avez-vous déjà essayé de remastériser ou de remixer un fichier compressé? Les résultats sont affreux. Des parties qui étaient enfouies ou manquaient de clarté ont été éliminées et il est impossible de les récupérer par la suite.

Ces questions sont d’autant plus pressantes que les artistes ne conservent pas leur travail de manière appropriée, et sont victimes des modes technologiques. Il ne faut pas se leurrer et penser que l’on crée des archives par le simple fait de graver des fichiers Sibelius ou des MP3, des fichiers graphiques JPEG ou des vidéos QuickTime sur un DVD-R, ou qu’on les télécharge sur un serveur quelconque. En agissant de la sorte, on crée tout au plus un fouillis de données vouées à devenir incompréhensibles pour les artistes eux-mêmes autant que pour les futurs archivistes.

Si vous croyez que votre travail a quelque valeur que ce soit pour le futur, vous devriez prendre les éléments suivants en considération.

  1. Indexez votre travail. Identifiez le contenu des documents et leur localisation, et indiquez ce qui a été détruit en cours de réalisation.
  2. Utilisez la technologie la plus perfectionnée qui soit et conservez les originaux.
  3. Annotez le matériel, même de façon sommaire — date de réalisation, localisation des esquisses si vous les avez conservées, les matériaux sources, les versions antérieures, les étapes à venir. Joignez-y des textes, photos et documents numérisés. Prenez ces précautions au moment où vous réalisez le projet; vous risquez d’oublier beaucoup de renseignements plus tard.
  4. Multipliez le nombre de copies des objets et de leurs annotations — sur disque dur, CD/DVD, carte flash, service en ligne, papier, film, vinyle, etc. Conservez les copies en des endroits différents et si vous avez recours à des services en ligne, utilisez-en deux.
  5. Méfiez-vous du papier. Pour réaliser des copies définitives, utilisez du papier sans acide et réalisez des impressions de qualité archive (laser à haute température).
  6. Convertir et mettre à jour. Cette tâche est désagréable, mais elle signifie que vous reconnaissez le moment où une technologie donnée est en voie de disparaître. Réalisez alors des copies sous un nouveau format et, comme Gerzon nous exhortait à le faire, conservez les originaux.
  7. Évitez les technologies qui reposent sur la gestion des droits numériques et les logiciels qui vous lient au fabricant.
  8. Documentez. C’est une question délicate, certains artistes ont des réticences particulières à cet égard. Alors n’hésitez pas à faire des enregistrements « clandestins » si nécessaire. Seule l’histoire jugera de la valeur des documents.
  9. Désignez un « conservateur » (conjoint, ami, enfant ou institution) et mettez en place un fonds pour l’entretien. Indiquez clairement ce qui doit être conservé et où trouver les métadonnées. Il n’y a rien de pire que d’avoir à vider des placards ou des tiroirs remplis de papiers, bandes, films, disques, diapositives et disques durs non identifiés. Le fonds d’entretien n’a pas à être très élevé, mais devrait suffire à couvrir les frais associés au triage institutionnel.

Conversion et mise à jour

Le temps et les efforts nécessaires pour la conversion à de nouveaux formats sont considérables. Par exemple, plusieurs de mes pièces ont été créées en format multipiste avec commandes automatisées à l’aide du programme Sonar sous Windows, de modules d’extension DX et de ma propre bibliothèque d’échantillons. Ma pièce In Bocca al Lupo est déjà perdue, probablement de façon irrémédiable. Bien que les appareils, interfaces, schémas de circuits, échantillons sonores, etc. sont tous intacts, les ordinateurs avec lesquels la pièce a été réalisée ne sont désormais plus en état de fonctionner.

En d’autres termes, la mise à jour des formats de conservation des données ne suffit pas pour sauvegarder le contenu réel des œuvres. La reconstitution de l’œuvre nécessite plutôt l’entretien de l’équipement matériel et logiciel original ou la conversion de tout le matériel — échantillons, automatisation des commandes, modules d’extension, appareils de diffusion et de contrôle — en une version logicielle et matérielle capable de reproduire le fonctionnement des appareils originaux et de lire adéquatement le contenu des archives.

Comme nous l’avons dit dès le début de cet article, tout ceci sous-entend la disponibilité de ressources consacrées à la conservation. Même l’archivage de dessins et d’esquisses du XIXe siècle demande temps et argent. Imaginons une personne intéressée à suivre le cheminement d’artistes mineurs comme nous. Comment pourrait-elle utiliser les données que nous avons converties avec soin vers de nouveaux formats pour recréer les œuvres? Assurément, elle ne le pourrait pas. Et qu’en est-il des artistes les plus importants qui travaillent avec des outils technologiques? Comment pourrons-nous étudier leurs manières de travailler si leurs esquisses sont disparues ou prisonnières de supports inutilisables?

Et il ne s’agit pas ici de compositeurs compulsifs ou de comment l’histoire sera documentée dans un avenir éloigné. Ce dont il est question ici, c’est la perte possible d’une histoire à peine passée et d’œuvres d’art toujours en cours de développement, une perte causée par la fragilité des technologies. La catastrophe du Domesday Book et les difficultés liées au transfert de documents originaux analogiques font apparaître un problème auquel la simple mise à jour de la version X du logiciel ou du remplacement de l’équipement ne saurait remédier — une crise qui affecte déjà des milliers de compositions réalisées avec des équipements professionnels au cours des années 1950–1980.

(Bien sûr, il y a toujours les rouleaux de papier perforé sans acide contenant des données PCM, mais le compositeur Richard Wentk faisait remarquer qu’il faudrait 5 000 km de ruban ECMA-10 pour emmagasiner le contenu d’un seul CD audio 16 bits-44,1 kHz.)

L’électronique et l’électroacoustique ont introduit une nouvelle ère. Il ne s’agit pas ici de reproduire des instruments d’époque, mais bien de récupérer le contenu de supports enregistrés (analogique ou numérique). Il ne s’agit pas seulement d’esquisses ou de manuscrits, mais également des versions définitives des œuvres. C’est un peu comme si l’instrument lui-même contenait la musique, et que seul l’instrument original est en mesure de la jouer; des copies de l’instrument seraient intéressantes, mais muettes.

Certes, il est possible aujourd’hui d’imiter ou de reproduire d’anciens instruments, mais cette capacité n’empêche pas la destruction progressive de matériaux que ces « répliques » pourraient imiter, en supposant qu’elles puissent reculer aussi loin. Combien de compositeurs peuvent créer un programme imitant un synthétiseur maison de 1968? Bien des œuvres interactives ou en temps réel ont été conçues pour des équipements très spécifiques. Il y a 30 ans, je fabriquais moi-même mes circuits; il y a 25 ans, je suis passé au synthétiseur Ionic. Les circuits maison ont disparu, tout comme les enregistrements réalisés avec ces circuits, mais l’instrument existe toujours et a même été réparé (Annexe 2 : fig. 13).

Mais quelle quantité de contenu propre à des systèmes en particulier sera perdue en fin de compte? Car il ne s’agit pas seulement d’archiver des versions définitives d’œuvres, mais de rassembler des données dispersées tout au long de l’évolution des appareils et des logiciels utilisés pour les œuvres interactives ou en direct.

Considérations politiques

On dit qu’il se crée plus de musique aujourd’hui que dans l’ensemble de l’histoire documentée. Ce point est important, bien que discutable. Que davantage de musique soit distribuée ou enregistrée ne signifie pas forcément qu’il s’en crée davantage, mais seulement que nos comportements et nos capacités ont changé. Cette question est politique : les entreprises sont plus disposées à archiver la moindre note de service que ne le sont les artistes à préserver le fruit de leur labeur.

Dans son livre intitulé « Brick Wall », Charles D’Ambrosio parle des progrès de la reconstruction de Chicago : « Il y avait autant de débris que dans une zone de guerre, mais l’absence d’ennemi et l’écoulement léthargique du temps empêchaient les gens de mesurer l’ampleur des changements. »

D’après mon expérience, les artistes, compositeurs et interprètes, sont parfois réticents à documenter leur travail. Certaines œuvres d’art ne survivent pas, seulement leur légende. D’autres créations sont mal servies par la documentation, comme les happenings des années 1960–1970. D’autres encore allient l’inattendu et la bonne fortune de manière telle que l’archivage n’est plus possible ni même souhaitable; seul compte le résultat final.

La conservation numérique est-elle une bonne chose? Oui. Le numérique est inaltérable, reproductible à l’infini et universellement transmissible. Certes, des problèmes de résolution se posent, mais le temps, le développement de la connectivité et la croissance de l’archivage (en particulier en ligne) sauront bien venir à bout de ces problèmes. En attendant d’arriver au point où l’archivage rattrapera tout le temps perdu, le problème demeure de déterminer ce qu’il faut conserver (et mettre à jour). La technologie numérique ne change rien au problème même de la conservation.

Et pourtant, dans la mesure où vous croyez en votre travail artistique, il vous appartient de préserver le passé de ce qui est à venir.

Notes

Bibliographie

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Eliot, T.S., The Waste Land: A Facsimile and Transcript of the Original Drafts Including the Annotations of Ezra Pound. Édité par Valerie Eliot, avec une introduction de l’éditrice. Orlando, FL, Harcourt Brace & Company, 1971. (ISBN 0-15-694870-2)

Groupe de discussion, échanges sur l’archivage, forum de discussion New Music Box, avril 2008, http://www.newmusicbox.org/chatter/chatter.nmbx?id=5549 (dernière consultation le 12 septembre 2008).

Groupe de discussion, échanges sur le mécanisme de protection contre la copie PACE, forum de discussion AudioMulch, août 2003, http://www.newmusicbox.org/chatter/chatter.nmbx?id=5549 (dernière consultation le 12 septembre 2008).

Horlings, J., « CD-R’s binnen twee jaar onleesbaar », PC-Active, août 2003.

Levoy, Mark et Garcia-Molina, Hector, « Creating Digital Archives of 3D Artworks », http://graphics.stanford.edu/projects/dli/white-paper/dli.html (dernière consultation le 12 septembre 2008).

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Autres articles de l’auteur

« A Language We Already Understand: Noah Creshevsky’s Hyperrealism », New Music Box, juin 2007. http://www.newmusicbox.org/article.nmbx?id=5117

« Composers & Productivity: The Embodiment of Discomfort », New Music Box, 13 septembre 2006. http://newmusicbox.org/article.nmbx?id=4789

« If We Could Write for the Symphony, or, We Are All Mozart », site Web du Greywolf Performing Arts Institute, mars 2006. http://www.greywolf-artistry.com/pdfs/Dennis Article.pdf

« The Creative Meaning of Laziness and Its Manifestation in Digital Technology, or, How Slug-Boy Found His Groove » The IDEA #7 (2003–2004). CD-Gazette of the Indian Documentary of the Electronic Arts. New Delhi, Imadjinn!, 2004, accessible sur le site Web de l’auteur. http://maltedmedia.com/people/bathory/idea

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