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Éditorial

AUDITION EN PERTE

L’audition, « normale » ou altérée, est un sujet aux multiples facettes. S’il est possible de fournir de l’information scientifique ou statistique à ce propos, il faut aussi demeurer en mesure d’en envisager les aspects intellectuels, psychologiques et émotionnels. La perte d’audition, ou l’audition « différente » est un sujet hautement sensible au sein d’une communauté dont l’essentiel des efforts de créativité et de communication est concentré dans le domaine du son.

De façon — au fond pas tellement — surprenante, la mise en place de cette édition de eContact! a généré son lot d’angoisse. Les organisateurs de concerts et les compositeurs connus pour leur propension aux niveaux sonores très élevés n’étaient pas toujours enthousiastes à l’idée d’en parler ouvertement, en particulier s’il s’agissait d’évoquer les impacts physiques concrets de leur pratique, sur eux-mêmes ou sur leur auditoire. D’autres, affectés de pertes auditives, en parlaient librement de façon informelle, mais se refusaient à franchir le cap des déclarations « officielles ». Si cette édition a pu voir le jour, c’est qu’il s’est aussi trouvé suffisamment de personnes à l’audition « transformée » désireuses de décrire leur existence telle que modulée par leurs différences avec le monde « bien entendant ».

Nous avons toujours été entourés de bruit, mais ces quelques 45 dernières années, l’omniprésence et la dangerosité du phénomène ont — sans jeu de mots — explosé. Qu’une exposition répétée aux niveaux de pointe atteints par les orchestres classiques puisse entraîner une perte auditive, cela est amplement documenté : quelques ensembles installent même des panneaux de plexiglas, destinés à partiellement isoler, des percussions et des cuivres, les musiciens situés en droite ligne du champ d’action de ces sections. Mais la situation réellement préoccupante est celle de l’industrie du spectacle, où ce sont tant les organisateurs de concerts que les propriétaires de cabarets, les musiciens et même l’auditoire qui sont partie prenante de cette « tradition culturelle », devenue aussi banalisée qu’incontournable, de baigner des heures durant dans un environnement sonore capable de causer des séquelles permanentes en seulement quelques minutes...

Cette édition de eContact! est donc notre contribution à un mouvement de plus en plus étendu, au sein des publications communautaires et artistiques, qui tente d’amener à une prise de conscience plus aiguë et plus agissante face à ce problème. Si les personnes dont l’activité principale est de produire ou d’utiliser les sons ne le font pas, qui donc s’en chargera? Tant les éducateurs que les responsables se doivent d’évoquer le sujet beaucoup plus souvent, en classe et au concert, et il est certain que les articles et les ressources de ce eContact! 9.4 sont là pour offrir un cadre référentiel solide pour la compréhension de ses aspects physiologiques et acoustiques. Il nous reste à espérer que les témoignages personnels qui sont présentés sauront également en faire saisir l’aspect impact humain.

Dans la foulée, et en accord avec la pratique récente du « journalisme vivant », l’équipe de production de la CEC a initié un certain nombre de pages Wiki, qui seront mises à jour sur une base permanente. Il s’agit d’une extension importante de eContact! lui permettant de dépasser l’état d’information statique en lui conférant, au bénéfice de la communauté électroacoustique internationale, une valeur plus viable à long terme.

Kevin Austin
Montréal 2007-vi

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