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Éditorial

eContact! 11.3 s’intéresse au logiciel libre et ses applications dans les domaines du son et de l’audio. Le numéro offre notamment un guide d’initiation, l’Open Source Travel Guide [wiki] — qui est lui-même un outil libre comme son nom l’indique — ainsi que des articles abordant les raisons pour lesquelles les gens et les institutions actives en électroacoustique créent et utilisent des outils et des environnements logiciels libres.

Le concept de logiciel libre ou code source ouvert repose sur l’idée selon laquelle l’information et le contenu devraient être accessibles et modifiables selon les besoins et les souhaits des utilisateurs.

 « Libre, comme dans liberté d’expression » (Richard Stallman)

De nombreuses pistes se sont développées à partir de cette idée centrale et s’entrecroisent sans cesse. Pour certains, l’idée de code source ouvert appelle (ou en est la conséquence) à une remise en question importante des principes de propriété intellectuelle et de droit d’auteur. Dans « Who Owns our Software? A first-person case study  », Miller Puckette partage sa réflexion sur les implications et les conséquences réelles de l’utilisation de systèmes fermés ou propriétaires, fort de sa propre expérience sur les questions des contraintes relatives au droit d’auteur et à la propriété intellectuelle dans le développement de logiciels, expérience qui l’a d’ailleurs mené à créer le logiciel libre Pd.

Pour d’autres, le code source ouvert offre un élément de solution qui permet le développement d’un environnement créatif plus ouvert et plus souple et qui incite les utilisateurs à créer des œuvres et des projets plus personnels qu’il ne serait possible à l’aide d’un environnement commercial « fermé ». À cette fin, l’usage du logiciel libre a gagné les milieux institutionnels, notamment le Center for Computer Research in Music and Acoustics (CCRMA) de l’Université Stanford, l’Institut für Elektronische Musik und Akustik (IEM) à Graz, et le Norwegian Center for Technology in Music and the Arts (NOTAM). Fernando López-Lezcano (« Sharing the Source: A very brief history of computing at CCRMA  ») et IOhannes m zmölnig (« IEM — Institute of Electronic Music and Acoustics  ») montrent comment un environnement code source ouvert peut convenir aussi bien au contexte institutionnel ou universitaire qu’au studio personnel d’un artiste. Dans « Ardour and Ambisonics: A FLOSS approach to the next generation of sound spatialisation  », Jörn Nettingsmeier explique comment un système ouvert et flexible peut apporter une aide considérable à un compositeur qui doit s’adapter à une grande variété de systèmes de performances.

« Gratuit, comme dans bière gratuite » (ibid)

D’un point de vue économique, la gratuité du logiciel libre (free software) est certainement un facteur qui incite les particuliers à transformer leur environnement de travail pour les rendre compatibles avec les logiciels libres. On notera toutefois que l’intérêt pour les logiciels gratuits (freeware) et les logiciels contributifs (shareware) peut aussi bien s’appuyer sur des convictions sociales, politiques et esthétiques qu’économiques, d’où la distinction de Stallman entre les différentes significations du terme « free » dans l’appellation « free software ». Par exemple, dans « Freedom Squared: Free Improvisation in the Free Software World », Michal Seta suggère l’existence d’une corrélation et d’un rapport réciproque entre le « système ouvert » qu’un musicien-improvisateur développe dans le domaine numérique et le caractère modulaire et configurable du logiciel libre qui favorise les intérêts de l’utilisateur plutôt que d’imposer des outils et des contenus préformés. Sous un tout autre angle, Elizabeth Hinkle-Turner parle du répit que lui offre le logiciel libre qui lui épargne les tracas associés aux « mécanismes de gestion de licences, autorisations en ligne, clés électroniques et autres mécanismes d’autorisation avec blocage de nœud ». Dans « Ardour et al., or Free and Easy Laptop Pro Audio: An Essay Perspective from a desperate working mother composer  », elle décrit la facilité avec laquelle elle est passée d’un environnement Pro Tools (gratuit) à Ardour.

Il paraît évident que les raisons pour utiliser des logiciels libres sont aussi variées que le degré d’intégration de ces outils dans les environnements de création des utilisateurs individuels. Les raisons de ne pas utiliser de logiciel libre sont possiblement tout aussi variées, ce qui ne signifie pas forcément qu’un système complètement « fermé » soit la seule option. Ainsi, le cofondateur et président-directeur général d’Ableton, Gerhard Behles, pose la question : « Is Ableton Open Source? » Si la réponse est négative, Ableton Live offre toutefois un exemple inspirant de logiciel « propriétaire » dont la conception et le développement reflètent les besoins diversifiés et changeants de la communauté de ses utilisateurs.

« Libre », comme dans « libérez votre esprit… » (Funkadelic)

Deux raisons peuvent contribuer à expliquer les appréhensions de certains à l’égard du logiciel libre. Certains hésitent par manque de familiarité avec son potentiel comme outil créatif et les développements récents dans le domaine du code source; d’autres croient que l’utilisation de logiciel libre signifie qu’il faut apprendre un langage de programmation et, par conséquent, développer et compiler ses propres programmes. Jörn Nettingsmeier s’attaque à ce dernier mythe dans « So What? I Don’t Hack!  », soulignant entre autres que les plus réticents à la programmation sont probablement plus familiers qu’ils ne le croient avec les principes de code source ouvert.

Les lecteurs désireux de se familiariser davantage avec l’univers du logiciel libre sont invités à visiter les nouvelles pages wiki de la CEC consacrées à ce sujet, l’Open Source Travel Guide [wiki], créées spécialement pour ce numéro d’eContact!. Ce guide est conçu non seulement comme un manuel d’initiation pour les néophytes, mais également comme outil de référence pour les habitués du logiciel libre. Les renseignements qu’on y trouve couvrent les aspects techniques (les ressources existantes, leur utilité et les lieux où on les trouve) et culturels (la communauté et sa langue) du code source ouvert. Une « liste de lectures essentielles » se présente comme un portail spécialisé, conçu pour aider le lecteur à naviguer dans le monde du logiciel libre. Le ton léger et sympathique du « Travel Guide » devrait être en mesure d’atténuer les appréhensions du visiteur le plus réticent et permettre à tous de s’initier, chacun à sa vitesse et selon ses intérêts.

La création de ces pages wiki pour un numéro sur le logiciel libre était également une façon d’en promouvoir les principes. Ces pages wiki ont été créées par les membres de la communauté pour la communauté et demeurent ouvertes au lecteur, lequel est invité à y contribuer.

et…

Ce numéro comprend également quelques recensions d’ouvrages portant sur le logiciel libre. « FLOSS+Art  » (Aymeric Mansoux et Marloes de Valk, éd.) « offre une réflexion critique sur les rapports qui se développent entre l’idéologie du logiciel libre, le contenu ouvert et l’art numérique » (avant-propos du livre). « loadbang: Programming Electronic Music in Pd  » de Johannes Kreidler est le premier manuel à être publié au sujet du logiciel Pd. Enfin, Bob Gluck signe trois nouvelles chroniques sur l’histoire de l’électroacoustique en Asie, plus précisément sur la Chine , l’Indonésie et la Corée du Sud .

En terminant, je tiens à remercier Jörn Nettingsmeier pour sa contribution inestimable à ce numéro. En plus d’avoir participé à la recherche et au développement du contenu, et d’avoir rédigé des articles, il est non seulement l’instigateur du « Travel Guide », mais a rédigé une partie importante de la version wiki lancée officiellement avec la parution de ce numéro d’eContact!

Nous espérons que ce numéro vous intéressera et nous vous invitons à contribuer à sa partie ouverte : l’Open Source Travel Guide [wiki]. Votre contribution permettra à cet outil de demeurer « ouvert » et de se développer davantage au fil du temps.

jef chippewa
29 septembre 2009

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