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Archivage d’Obsessed Again… de Keith Hamel

INTERPARES 2, RAPPORT D’ÉTUDE DE CAS 13

par Scott Amort, Keith Hamel, Jesse Read, John Roeder et David Litke

Cet article a été rédigé à titre de rapport final (février 2004, rév. 2006, 2008) pour une étude de cas faisant partie de la seconde phase du projet InterPARES. Le rapport original a été restructuré et certaines de ses parties ont été supprimées en vue de sa publication dans eContact! 10.x : le glossaire des termes utilisés a été omis, car nous croyons que le lecteur est familier avec le domaine de l’électroacoustique; un certain nombre de graphiques illustrant les modèles méthodologiques mis en application dans ce projet ont également été omis; une partie portant sur une méthode de documentation de l’interaction entre les éléments acoustiques et électroacoustiques a été supprimée. La version intégrale du rapport peut être consultée ici.

Aperçu
Pour une stratégie de préservation de la musique électroacoustique
Méthodologie et contexte
Questions de recherches : entrevue avec le compositeur
Questions de recherche au sujet des politiques visant à garantir l’authenticité
Notes et bibliographie sélective | InterPARES

Aperçu

Obsessed Again… est une pièce pour basson et dispositif électronique interactif du compositeur canadien Keith Hamel. Composée en 1992 à la suite d’une commande du bassoniste Jesse Read qui voulait une pièce comprenant des éléments électroacoustiques interactifs, l’œuvre a été créée le 9 mai 1992 au centre De Ijsbreker d’Amsterdam (Pays-Bas). Les éléments interactifs ont été réalisés à l’aide du logiciel de programmation musicale Max, d’un synthétiseur Proteus 1 et d’un convertisseur hauteur-MIDI IVL. Même si la pièce était conçue pour un environnement technologique commercial de pointe (matériel et logiciel), cet environnement est vite devenu désuet : les fichiers informatiques ne sont pas compatibles avec les systèmes d’exploitation actuels, certains fichiers sont stockés sur d’anciens disques durs à simple face, et la plupart des appareils utilisés sont vieux et sur le point de ne plus fonctionner. L’œuvre n’a pas été jouée depuis plusieurs années, mais Jesse Read a exprimé le désir de la réintégrer à son répertoire sous une forme compatible avec la technologie actuelle (aspects matériels et logiciel). Pour satisfaire cette exigence, un travail de restauration et d’adaptation des éléments interactifs et électroniques est nécessaire. De plus, des stratégies de migration seront étudiées afin d’éviter que la situation actuelle ne se reproduise. Mais avant tout, il est nécessaire de déterminer l’état actuel des éléments qui composent Obsessed Again…

Pour une stratégie de préservation de la musique électroacoustique

Introduction

La musique électroacoustique, au sens ici de musique dont l’interprétation nécessite des moyens électroniques, pose bien des difficultés à l’archiviste. Contrairement à la musique acoustique, où le compositeur peut produire des traces ou des documents matériels au cours du processus de création (esquisses, partitions), le processus de composition électroacoustique ne laisse derrière lui bien souvent que des entités numériques. À l’exception des enregistrements audio, qui peuvent eux-mêmes être en format numérique (fichiers wave, MP3, etc.), ces entités numériques sont conservées sur des supports propriétaires compatibles seulement avec certains logiciels spécifiques. S’il est fort probable que les futurs musiciens pourront toujours utiliser un instrument comme le violon sans qu’il ait connu de modification majeure, il est à peu près certain que les composants numériques et électroniques nécessaires à la performance d’une œuvre électroacoustique particulière seront désuets peu de temps après la création de l’œuvre. La technologie à la disposition des compositeurs a progressé de manière spectaculaire depuis une cinquantaine d’années; les composants matériels et logiciels sont fréquemment mis au rencart pour céder la place à de nouveaux moyens plus rapides.

Vers une stratégie

La pièce Obsessed Again… s’est avérée une excellente étude de cas en vue de la mise au point de stratégies de préservation de la musique numérique. Les composantes électroniques de l’œuvre comprennent plusieurs éléments logiciels et deux appareils qui jouent un rôle prépondérant. Ces deux derniers posent les problèmes les plus évidents relativement à la préservation. Le synthétiseur Proteus et le convertisseur hauteur-MIDI remplissent une fonction essentielle dans la conception de la pièce. Ils sont cependant désuets et les exemplaires que possède M. Hamel risquent maintenant de cesser de fonctionner.

Actuellement, la meilleure piste à suivre pour favoriser la recréation de l’œuvre et son étude est de reproduire les fonctionnalités de ces appareils dans un environnement logiciel. Les sons caractéristiques du synthétiseur Proteus peuvent être copiés et mis en mémoire sous forme d’objets numériques. Le programme ou « patch » Max/MSP semble être actuellement la forme la plus indiquée pour reproduire ce type d’entité numérique. Max est l’environnement de programmation utilisé pour commander l’interaction entre le bassoniste et le dispositif électronique durant la performance. Au moment de la création d’Obsessed Again…, Max ne comprenait pas de fonctionnalité de traitement de signal audio; toutefois, des répertoires d’objets et de fonctionnalités audio ont depuis été mises au point (la partie MSP du logiciel). Il est également possible d’émuler le convertisseur hauteur-MIDI, et divers modèles sont maintenant offerts sous forme de programmes réalisés avec MAX. Ces programmes sont fonctionnels, mais ils ne sont généralement pas aussi fiables et précis que l’appareil dont ils s’inspirent. Il faut toutefois s’attendre à ce qu’ils soient améliorés avec le temps.

Ce processus a été mis en branle, mais cette approche n’a pas encore permis de résoudre la principale difficulté en matière de préservation des œuvres numériques. En effet, si cette approche permet de consolider les données, de concentrer toutes les composantes de l’œuvre en un seul endroit et sous un même format, le format de ces entités numériques dépend toujours d’une application logicielle commerciale. Bien qu’il soit possible de sauvegarder des fichiers Max en format texte, ce qui place le mécanisme de conservation sur le même plan qu’un fichier de traitement de texte standard, l’application Max reste nécessaire à la performance de la pièce. M. Hamel a exploré d’autres façons d’encapsuler les données qui permettraient d’incorporer les données de contrôle du programme Max dans son propre logiciel de notation musicale (NoteAbilityPro). Cette dernière possibilité reconduit toutefois le problème du format propriétaire des données, même si ce format est géré par le compositeur.

La notation de la musique électroacoustique

L’étape suivante dans la mise au point d’une stratégie de conservation est d’éliminer la dépendance aux logiciels et de concevoir un langage descriptif et représentationnel pour la musique électroacoustique. Bien qu’un tel langage n’existe pas encore, plusieurs projets portant sur la notation musicale conventionnelle sont en cours (par exemple, le projet sur la notation musicale GUIDO), auxquels il peut être possible d’ajouter des descriptions applicables à la musique électroacoustique. Au moment de rédiger ce rapport, les premiers efforts étaient entrepris pour la description de l’interaction des éléments acoustiques et électroacoustiques d’Obsessed Again… On peut en voir les résultats à la fin de la version intégrale du rapport (voir PDF, pp. 34–44).

Toutefois, une mise en garde s’impose au sujet de ces tentatives : cette forme de description ne peut en aucune manière assurer une recréation historiquement juste de l’œuvre. Seule l’intention du compositeur sera ainsi documentée. Il est à peu près certain qu’une éventuelle performance réalisée à partir de telles descriptions produira une pièce aux caractéristiques acoustiques uniques ayant bien peu en commun avec la composition originale. Néanmoins, la structure et les interactions de base de l’œuvre seront conservées. Les conséquences d’un tel processus devront faire l’objet d’un examen détaillé, mais nous tenons à souligner que dans le cas particulier d’Obsessed Again…, le compositeur Keith Hamel anticipe cette forme de recomposition et y est même favorable.

Méthodologie et contexte

Pour réaliser cette étude de cas, la principale tâche visant à recueillir de l’information fut la réalisation d’entrevues avec Keith Hamel, le compositeur, et Jesse Read, l’interprète de l’œuvre. Ces entrevues ont été préparées de manière à répondre à 23 questions de base (voir les sections D et E pour les questions et les réponses).

La composition Obsessed Again… est représentée par une partition où sont consignées les instructions pour contrôler l’interaction entre tous les éléments de l’œuvre : l’interprète (bassoniste), un microphone de contact Barkus Berry, un convertisseur hauteur-MIDI IVL, un ordinateur Macintosh équipé d’une interface MIDI et du logiciel Max, un synthétiseur externe Proteus 1 et un système de sonorisation (amplificateur, table de mixage et hauts parleurs). L’entité sonore qu’est l’œuvre est produite en suivant les instructions contenues dans la partition. La réalisation de cet événement sonore nécessite donc deux processus créatifs : la composition de l’œuvre (la préparation de la partition) et la performance (l’acte d’interprétation de la partition qui conduit à la réalisation concrète de l’œuvre musicale).

Origine

Le principal responsable de la création d’Obsessed Again… est le compositeur Keith Hamel. Il est l’unique créateur de l’œuvre musicale. Toutefois, Jesse Read contribue de façon essentielle, en tant qu’interprète, à la diffusion de l’œuvre, en plus d’être responsable de la création d’entités additionnelles (les enregistrements). De plus, M. Read a contribué au processus de composition en testant certains aspects de l’œuvre. Jesse Read conçoit son rôle comme étant celui d’« interpréter » l’œuvre musicale de Keith Hamel. Enfin, soulignons qu’en commandant l’œuvre à Keith Hamel, Jesse Read a fourni l’impulsion initiale à la création de cette œuvre en plus d’en proposer le cadre principal (en demandant spécifiquement une œuvre pour basson solo et dispositif électronique interactif).

Considérations juridiques et administratives

Il n’existe aucune réglementation ou loi régissant spécifiquement la composition musicale. Notons toutefois l’existence de la loi relative aux droits d’auteur, qui est le principal instrument juridique en matière d’authenticité et de droit de propriété.

Procédures

Il n’existe pas de règle ni de modèle procédural établi ou documenté concernant les entités créées par la composition et la performance d’œuvres musicales.

Documentation

Le processus de documentation est du ressort du compositeur, lequel est détenteur de la composition. Aussi, à l’instar de la question précédente concernant les procédures, il n’existe pas de règle ni de modèle communément admis.

Considérations d’ordre technologique

Le matériel numérique utilisé pour la création d’Obsessed Again… comprenait un ordinateur Apple Mac II (68020) équipé du système d’exploitation Mac OS 7. Cet environnement a été remplacé par un ordinateur portable Apple PowerBook (G4) avec le système d’exploitation Mac OS X 10.3.2. La version 2 du logiciel Max utilisée au départ a également été remplacée par la version 4.2 de Max/MSP. De plus, un ordinateur NeXT a été utilisé pour accroître les capacités de stockage de fichiers et de copies de sécurité. Bien que la phase initiale de composition se soit déroulée à l’écart de l’environnement numérique (réalisation d’esquisses pour la forme générale de l’œuvre, prédétermination du matériau — hauteurs et caractères rythmiques de la partie de basson), les étapes ultérieures du travail de composition ont été réalisées avec ordinateur. Le synthétiseur Proteus 1 a servi de plateforme d’essai en simulant le flot de données MIDI fournies normalement par le convertisseur IVL, permettant ainsi à M. Hamel de construire et tester les divers éléments interactifs de la pièce en l’absence du bassoniste.

Questions de recherches : entrevue avec le compositeur

1. Quelles activités reliées à la création avez-vous étudiées?

Cette étude s’est penchée sur le processus compositionnel à l’origine d’Obsessed Again… et les méthodes employées par Keith Hamel pour préserver les éléments qui forment la pièce. Par ailleurs, l’interprète — en l’occurrence, Jesse Read — joue un rôle essentiel dans la réalisation de l’événement sonore qu’est la pièce. Comme il contribue au processus créatif, nous avons donc étudié également son rôle.

2. Parmi ces activités, laquelle produit les entités numériques qui sont les objets de votre étude?

On peut envisager le processus compositionnel comme un événement toujours en cours de réalisation qui sous-entend directement le maintien et la mise à jour de l’œuvre et des éléments qui la composent. C’est donc ce processus global qui est à l’origine des entités numériques étudiées ici. De plus, la diffusion d’Obsessed Again… par la performance génère également des entités numériques.

3. Dans quel but les entités que vous avez étudiées ont-elles été créées?

Les entités numériques qui composent Obsessed Again… remplissent deux fonctions :

4. Quelle forme prennent ces entités numériques? Quels sont leurs principales caractéristiques formelles, leurs attributs et leurs comportements (s’il y a lieu)?

M. Hamel conserve trois types d’entités sur son ordinateur Apple PowerBook :

4b. De quels composants numériques ces entités font-elles partie et quelles sont leurs spécifications?

Le format de chaque entité numérique dépend des spécifications du logiciel avec lequel elle a été créée. Les fichiers NoteWriter (.nwr), Max/MSP et les fichiers d’édition/gestion de sons sont en format binaire propriétaire; leurs spécifications ne sont donc pas dévoilées. Les fichiers MIDI utilisés par Max/MSP sont des fichiers textes standards conformes aux spécifications du protocole MIDI.

4c. Quel rapport y a-t-il entre la dimension conceptuelle de l’œuvre et ses composantes techniques?

La principale dimension conceptuelle d’Obsessed Again… (l’interaction entre le basson et le dispositif électronique) est complètement réalisée par les éléments techniques qui en constituent également des documents.

4d. Comment les entités numériques sont-elles identifiées (par exemple, y a-t-il un identifiant unique [permanent])?

Chaque entité numérique est identifiée par un nom de fichier semi-descriptif.

4e. En terme de classification des entités numériques, existe-t-il des agrégations?

Tel que mentionné ci-dessus, il existe deux types d’agrégation :

4f. Comment sont établies les classifications des entités numériques?

La méthode de classification est la responsabilité de Keith Hamel.

5. Comment ces entités numériques sont-elles créées?

Chaque entité numérique a été créée et conservée à l’aide d’une application logicielle commerciale. Pour la version originale de 1992 d’Obsessed Again…, il s’agit de la version 2.0 de Max (pour les programmes créés avec Max), la version 5.5. de Performer (pour la création des séquences MIDI et leur conservation sous forme de fichiers MIDI standards), NoteWriter (pour la réalisation de la partition) et la version 1.0 du logiciel d’édition/gestion de sons Galaxy (pour l’édition et la gestion des sons du synthétiseur Proteus). M. Hamel a récemment mis à jour plusieurs de ces entités numériques en vue de la recréation de la pièce. Les versions plus récentes des logiciels comprennent Max/MSP 4.2 et NoteAbility (en remplacement de NoteWriter).

5a. Comment peut-on décrire les systèmes qui ont servi à créer ces entités (par exemple, fonctions, logiciels, appareils, périphériques, etc.)?

On peut concevoir qu’il existe deux processus créatifs distincts, mais en rapport l’un avec l’autre : la création de l’œuvre musicale et la création de la performance. Par conséquent, il est possible de distinguer également deux systèmes créatifs. Le système numérique utilisé pour la création initiale de l’œuvre et de ses éléments numériques comprenait un ordinateur Apple Mac II (68020) équipé du système d’exploitation Mac OS 7 (tel qu’indiqué ci-dessus, cet environnement a été remplacé récemment par un ordinateur Apple PowerBook (G4), équipé de Mac OS X 10.3.2). De plus, un ordinateur NeXT a été utilisé pour accroître les capacités de stockage de fichiers et de copies de sécurité. Ces ordinateurs étaient équipés de programmes spécialement conçus pour créer chacune des entités numériques (voir ci-dessus pour la liste des logiciels utilisés).

Le système requis pour la performance de l’œuvre comprend :

5b. Le système est-il en mesure de gérer l’ensemble des entités numériques créées dans le cadre processuel où chacune de ces entités s’inscrit?

Oui, toutes les opérations réalisées sur les entités numériques sont effectuées dans le contexte propre à chacun des deux systèmes numériques précédemment mentionnés.

6. De quels processus ou procédures les entités numériques sont-elles issues?

Les entités numériques sont issues du processus personnel de composition de Keith Hamel. Propre à chaque composition, on peut résumer ce processus de la manière suivante (à partir de l’exemple d’Obsessed Again…) :

  1. les idées précompositionnelles ont été esquissées sans ordinateur et comprenaient notamment la forme globale de l’œuvre, la prédétermination du contenu harmonique et des hauteurs, la nature de l’interaction entre l’instrument et le dispositif électronique;
  2. à partir de ces esquisses, les éléments interactifs ont été créés à l’ordinateur à l’aide des logiciels appropriés;
  3. ces éléments interactifs ont été testés (à l’aide du synthétiseur Proteus agissant comme interprète virtuel) et des modifications subséquentes ont été apportées à la partition préliminaire et aux fichiers informatiques;
  4. les versions définitives des entités numériques ont été réalisées et la partition finale a été produite en format numérique.

7. Les entités numériques décrites précédemment sont-elles reliées à d’autres entités, numériques ou non? De tels rapports sont-ils documentés?

Les trois entités numériques sont reliées à chacun des éléments non numériques d’Obsessed Again… décrits au début de cette section (c’est-à-dire l’équipement additionnel nécessaire à la performance de la pièce). D’une certaine manière, ces rapports sont documentés dans la partition musicale, mais le compositeur admet qu’il n’a pas noté de manière adéquate les entités électroniques employées et que la partition est davantage axée sur les éléments musicaux (hauteurs, rythmes) que le bassoniste doit produire. Cette situation est une conséquence de l’adoption d’une approche axée sur l’interprète et du fait que celui-ci n’avait pas besoin de connaître les détails de ces entités pour interpréter la pièce de manière satisfaisante. M. Read abonde dans ce sens et ajoute qu’en tant qu’interprète, il ne croit pas qu’une forme plus précise de notation soit nécessaire.

8. Quelles sont les procédures ou les méthodes documentaires et technologiques qui permettent au créateur d’identifier, d’accéder et de récupérer les entités numériques?

Les entités numériques sont accessibles au moyen d’un ordinateur d’usage courant (fichiers stockés sur un disque dur auxquels on peut accéder à l’aide d’un logiciel approprié) et sont identifées par des noms de fichiers semi-descriptifs.

Ces méthodes et procédures sont-elles documentées? Comment et sous quelle forme?

Bien qu’ils ne portent pas spécifiquement sur les entités numériques d’Obsessed Again…, il existe des manuels d’instructions relatifs aux divers logiciels utilisés qui décrivent les procédures permettant d’interagir avec leurs contenus stockés en format numérique. Toutefois, l’information spécifique concernant les noms des fichiers et les versions des entités employées dans Obsessed Again… n’est accessible qu’en communiquant avec Keith Hamel.

10. Quelles mesures le compositeur a-t-il adoptées pour assurer la qualité, la fiabilité et l’authenticité des entités numériques et de leur documentation?

Aucune mesure n’a été prise pour assurer ces qualités. Toutefois, comme il est le seul détenteur de ces entités numériques, le compositeur peut garder ce qu’il estime être un niveau de contrôle adéquat sur la distribution d’éléments numériques authentiques à d’autres interprètes ou des tiers. Aucune mesure ne peut empêcher la distribution indirecte (c’est-à-dire de l’interprète à un tiers), mais un certain respect pour le compositeur prévaut généralement dans ces situations. M. Read affirme qu’en tant qu’interprète, il se sent responsable de s’assurer que la diffusion de la pièce se fait de manière conforme aux souhaits du compositeur.

11. Le compositeur croit-il que l’authenticité de ses entités numériques est garantie et, le cas échéant, pourquoi?

M. Hamel est le seul juge de l’authenticité de ces entités numériques et le seul responsable de leur conservation et leur distribution; aussi leur authenticité ne fait aucun doute à ses yeux. Aucune mesure n’est toutefois prise qui permettrait à un tiers parti de confirmer cette authenticité. Par ailleurs, aucun procédé technologique (chiffrement, signature numérique, etc.) n’est appliqué pour empêcher un tiers parti de redistribuer ces entités numériques ou de compromettre leur authenticité. Cependant, l’œuvre est protégée en vertu de la loi sur le droit d’auteur, ce qui, pour M. Hamel, constitue un élément dissuasif suffisant contre la reproduction ou la modification non autorisée.

12. Comment le compositeur utilise-t-il les entités numériques en question?

Les entités numériques sont conservées pour leur éventuelle distribution à des interprètes et pour être modifiées si le compositeur le juge nécessaire.

13. Comment des modifications sont-elles apportées aux entités numériques et comment sont-elles documentées?

Toutes les modifications sont effectuées par le compositeur lui-même et elles ne sont pas documentées de manière formelle.

14. Des usagers de l’extérieur ont-ils accès à ces entités numériques? Le cas échéant, comment y ont-ils accès et quel usage en font-ils?

Les usagers de l’extérieur n’ont pas accès aux copies maîtresses des entités numériques conservées par Keith Hamel. Cependant, des copies sont faites et distribuées aux interprètes potentiels et aux tiers partis intéressés (étudiants, organismes artistiques, etc.). Cette distribution peut entraîner une forme de distribution fragmentaire de l’œuvre, certaines parties de l’œuvre pouvant être reproduites séparément (le plus souvent, la partition). Le scénario de distribution le plus plausible est évidemment la performance de l’œuvre.

15. La création, la gestion et l’utilisation des entités numériques exigent-elles des compétences et des responsabilités particulières? Le cas échéant, lesquelles?

Des connaissances de base en informatique et une certaine familiarité avec les logiciels utilisés sont nécessaires à la gestion et l’utilisation des entités numériques. De plus, toute forme d’activité de révision ou d’interprétation de l’œuvre nécessite une formation musicale appropriée et implique une certaine responsabilité éthique envers le compositeur.

16. L’accès aux objets ou aux systèmes est-il lié aux compétences professionnelles de la personne responsable?

Cette question ne s’applique pas tout à fait dans cette étude; toutefois, comme en témoigne la réponse précédente, un certain degré de compétence en matière de matériel informatique et de logiciels ainsi qu’une formation musicale appropriée sont nécessaires pour exploiter ou modifier les entités numériques de manière intelligente. On peut donc en conclure que leur accès est réservé aux personnes détenant ces compétences.

17. Le compositeur considère-t-il que certaines de ces entités numériques ont une valeur documentaire? Le cas échéant, lesquelles et pourquoi?

Pour M. Hamel, aucune de ces entités n’a de valeur documentaire. En tant que compositeur, il s’intéresse avant tout à l’état actuel d’une œuvre plutôt qu’à ses états antérieurs ou ultérieurs. De nombreuses œuvres ont une durée de vie limitée, ce qui est particulièrement vrai pour les œuvres à caractère technologique. Les limitations des équipements informatiques et des logiciels actuels, ainsi que la vitesse de changement des technologies sont les contraintes les plus importantes. Toutes les entités numériques d’Obsessed Again… sont envisagées d’un point de vue utilitaire plutôt que documentaire.

18. Le compositeur conserve-t-il de manière particulière les entités numériques qui sont actuellement étudiées? Ces entités sont-elles traitées à l’aide d’un système d’archivage? Le cas échéant, quelles sont les caractéristiques de ce système?

M. Hamel conserve les entités numériques en question, mais il n’utilise aucun système d’archivage. Les entités numériques sont stockées sur des disques durs qui demeurent la propriété du compositeur.

18a. Le système d’archivage est-il conçu pour permettre l’enregistrement périodique des entités numériques qui sont utilisées?

Tel que mentionné précédemment, M. Hamel n’utilise aucun système d’archivage, mais il enregistre et conserve les entités lorsqu’il lui paraît nécessaire de le faire.

18b. De quelles applications le système d’archivage recueille-t-il les entités numériques et les métadonnées qui leurs sont associées (par exemple, application de courriel, système de suivi, système de gestion du travail, banque de données, etc.)?

Sans objet.

18c. La classification des entités numériques reflète-t-elle les processus de création? Quel est le schéma de classification?

La classification des entités numériques reflète le processus de création dans la mesure où elles sont classées par types de fichiers : les fichiers individuels sont caractérisés par l’application logicielle utilisée pour leur création.

18d. Le système d’archivage offre-t-il un accès facile aux entités numériques et à leurs métadonnées?

Encore une fois, le compositeur n’emploie aucun système d’archivage, mais il peut tout de même accéder facilement à toutes les entités numériques pertinentes.

18e. Le système d’archivage documente-t-il toutes les actions et les transactions concernant les entités numériques? Le cas échéant, quelles sont les métadonnées recueillies?

Une telle documentation est inexistante.

19. Comment le compositeur conserve-t-il ces entités numériques en dépit des changements technologiques?

À l’origine, aucune mesure n’était prévue pour faire face aux changements technologiques. Toutefois, comme il en a été question au début de ce rapport, des efforts ont été entrepris récemment pour réintroduire l’œuvre dans le répertoire, ce qui a amené le compositeur à reconsidérer cette décision. Au moment de rédiger ce rapport, M. Hamel a réalisé la conversion d’un bon nombre d’entités sous une forme compatible avec les moyens technologiques actuels. Il semble malheureusement que pour certains éléments, une simple mise à jour est impossible, en particulier le programme de gestion/édition de sons du Proteus 1, ce qui forcera le compositeur à recréer certaines entités. Certaines entités non numériques posent des inquiétudes en raison de l’âge des appareils (c’est le cas du synthétiseur Proteus et de l’ordinateur Macintosh d’origine). Bien qu’il soit possible de mettre à jour ces entités en les remplaçant par des appareils courants ou en en créant une représentation logicielle (ce qui s’avère avantageux en terme de préservation ultérieure), ces changements auront des effets sur la nature de la composition (changements dans la production du son, différences de qualité sonore globale, etc.) et peuvent nécessiter des modifications des éléments matériels reliés à ces entités. L’événement sonore qu’est Obsessed Again… sera donc fondamentalement différent. Soulignons que le compositeur n’entrevoit pas ces changements de manière négative; il se dit plutôt heureux de retravailler certains aspects de la pièce. M. Hamel envisage le travail d’archivage non pas comme une action orientée vers la préservation historique, mais plutôt comme un moyen d’assurer l’avenir de sa composition. Cette approche nécessitera la préparation d’une partition musicale plus complète, qui comprendra davantage d’indications au sujet de l’interaction entre les éléments acoustiques et électroacoustiques de l’œuvre. Cette approche nécessite également la réalisation d’un enregistrement numérique d’une version authentique de l’œuvre qui pourra servir à l’évaluation des futures performances.

19. Quelles sont les stratégies ou les méthodes de conservation et comment sont-elles mises en œuvre?

La principale stratégie mise en œuvre vise à réduire la dépendance de la pièce à des appareils particuliers et à mettre au point des versions logicielles du plus grand nombre d’éléments interactifs. Actuellement, le synthétiseur Proteus 1 n’est plus nécessaire, ses méthodes de production de sons ayant été simulées à l’aide du logiciel Max/MSP. M. Hamel estime que ce logiciel représente la meilleure option pour réaliser cette fusion des plateformes matérielles et logicielles. Des convertisseurs hauteur-MIDI ont également été réalisés en version logicielle avec Max/MSP et pourront remplacer le convertisseur IVL.

19b. Ces stratégies sont-elles choisies en fonction du type d’entités numériques (d’un point de vue technique) ou d’autres critères ont-ils été pris en compte? Le cas échéant, quels sont ces critères?

Oui. L’objectif ultime des efforts de M. Hamel est d’éliminer la dépendance aux appareils externes, à l’exception du système nécessaire au fonctionnement du logiciel Max/MSP, et de mettre au point une version du système sous forme de programme Max/MSP.

20. Dans quelle mesure les politiques, méthodes et normes ont-elles un effet de balise ou de contrôle sur la création, la gestion, la conservation et l’utilisation d’enregistrements dans les activités du compositeur? Ces politiques, procédures et normes doivent-elles être modifiées ou augmentées?

Il existe peu de politiques, de méthodes et de normesétablies qui sont appliquées à Obsessed Again… jusqu’à présent, mais l’élaboration de tels éléments est une priorité pour le compositeur, tant pour cette pièce que pour l’archivage de la musique électroacoustique dans son ensemble.

21. Quelles obligations, préoccupations ou quels problèmes d’ordre légal, éthique ou moral (par exemple, le contrôle sur l’expression artistique) la création, la gestion, la conservation et l’utilisation d’enregistrements dans le cadre des activités du compositeur soulèvent-elles?

En tant que compositeur, il n’existe pas de responsabilité légale ou morale extérieure concernant la création, la gestion, la conservation et l’utilisation des entités numériques qui forment Obsessed Again… (1) Il existe cependant une sorte d’obligation morale d’assurer l’avenir de l’œuvre.

22. Quel modèle descriptif ou autre système de métadonnées est utilisé pour la création, la gestion, la conservation et l’utilisation du système d’archivage ou de l’environnement étudié?

Aucun modèle ni système de ce genre n’est utilisé.

23. Quelle est la source de ces modèles descriptifs ou autres systèmes de métadonnées (conventions institutionnelles, milieu professionnel, normes internationales, pratique personnelle, etc.)?

Sans objet.

Questions de recherche au sujet des politiques visant à garantir l’authenticité

1. Quelles obligations légales ou morales s’appliquent à la création, la gestion, la conservation et l’utilisation de documents relatifs aux activités artistiques ou scientifiques?

Tel que mentionné précédemment, le compositeur ressent une obligation morale d’assurer l’avenir de l’œuvre, mais il n’éprouve aucun besoin d’assurer sa conservation à des fins d’archivage. Des obligations légales existent concernant le droit d’auteur et les questions d’authenticité (vérification de l’authenticité, droits d’exécution, etc.); cependant, ces obligations ne sont pas au centre des préoccupations de M. Hamel.

2. Quels principes devraient présider à l’élaboration de politiques, stratégies et normes concernant la création de documents fiables, exacts et authentiques, relatifs aux environnements numériques étudiés?

La principale préoccupation de M. Hamel est l’avenir de son œuvre. Ce principe devrait guider la formulation de toute politique en cette matière. Plus précisément, le compositeur croit que la priorité devrait être accordée à la mise au point de procédures descriptives de manière à s’assurer que la création des éléments électroacoustiques d’Obsessed Again… et de la documentation de l’interaction entre l’interprète et l’ordinateur permette de produire des entités numériques fiables, précises et authentiques. Appliquées conjointement avec les méthodes existantes de notation musicale (que l’on peut qualifier d’exactes et d’authentiques), ces procédures descriptives permettraient de bien rendre compte des actions nécessaires à la recréation d’Obsessed Again…

3. Quels principes devraient présider à l’élaboration de politiques, stratégies et normes relatives à l’évaluation de ces documents?

Tel que spécifié précédemment, l’exactitude et l’authenticité de toutes les entités numériques doivent être assurées.

4. Quel rapport y a-t-il entre le rôle des schémas descriptifs et des instruments nécessaires au processus de création et ceux nécessaires aux processus d’évaluation, de conservation et de diffusion?

Il semble qu’il soit possible d’intégrer des moyens de garantir l’exactitude et l’authenticité aux schémas descriptifs évoqués à la question 2. Il ne serait alors pas nécessaire d’avoir des schémas distincts pour la création et la conservation.

5. Quel rôle jouent les instruments et les schémas descriptifs dans la gestion des droits et dans l’identification et le suivi des éléments documentaires, versions, expressions, performances et autres manifestations dérivées?

Ce rôle est primordial dans la mesure où l’examen de ces qualités permet d’attester l’exactitude et l’authenticité de l’œuvre et de ses composantes numériques.

6. Est-il important de documenter l’activité artistique ou scientifique et d’établir des liens entre ces documents et l’expression, la performance, le produit, l’œuvre ou toute autre manifestation qu’elle étudie?

Oui, il est important de le faire, mais pas forcément pour le créateur. Les documents décrivant les processus à l’œuvre dans la création d’Obsessed Again… peuvent avoir une valeur historique pour les musicologues par exemple, mais pour le compositeur, c’est l’œuvre musicale qui doit être préservée. De son point de vue, toutes les entités numériques doivent être traitées en fonction de la (re)création éventuelle de l’œuvre.

Les outils descriptifs sont les principaux moyens de garantir l’exactitude et l’authenticité d’Obsessed Again… au moment de sa (re)création, de même que la préservation de son exactitude et son authenticité à long terme. Les efforts actuels qui portent sur la création d’un métalangage textuel pour le stockage numérique de partitions musicales démontrent déjà qu’ils sont en mesure de faciliter la description entièrement numérique d’une œuvre musicale. Les exemples comme GUIDO et MusicXML (voir la bibliographie) sont extensibles, ce qui permet d’ajouter des moyens pour garantir l’exactitude et l’authenticité des œuvres musicales électroacoustiques.

Notes

  1. Il semble que la pièce Obsessed Again… répondait à une commande verbale informelle, sans obligations légales. Par ailleurs, comme on peut le remarquer à la question 17, les entités numériques qui composent Obsessed Again… n’ont pas, aux yeux de M. Hamel, de valeur de documents.

Bibliographie sélective

Don Anthony, Charles Cronin, Eleanor Selfridge-Field, « The Electronic Dissemination of Notated Music: An Overview », The Virtual Score: Representation, Retrieval, Restoration, W.B. Hewlett et E. Selfridge-Field, dir. Cambridge, MA, MIT Press, 2001, pp. 135–166.

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Concordia University / Université Concordia

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