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Le mixtering — Modèle de travail pour une qualité sonore accrue en électroacoustique

7. Annexe : La séance comparative mastering / mixtering

7.1 Analyse initiale

La section choisie va de 7:10 à la fin de la pièce à 8:52. La raison est tout simplement liée au nombre de stems actifs plus important à cet endroit, ce qui rend l’analyse comparative plus riche. De plus, la fin de la pièce est dans certaines limites un condensé de l’ensemble des sons présentés au cours de la pièce.

Figure 1
Figure 1. Vue d’ensemble des 8 pistes à travailler, en version “Source” et en version “Mix”.

Une vue d’ensemble de l’extrait sur lequel nous allons travailler permet de mieux suivre la session (voir Fig. 1).

On peut déjà s’apercevoir des différences entre ces deux versions (Audio 1 et 2) dans leur état initial :

Audio 1. Tous les stems de la version « Source », état initial.
Audio 2. Tous les stems de la version « Mix », état initial.

La répartition des fréquences est meilleure dans la version « Source » (Audio 1), l’espace est mieux défini, et le son d’ensemble est beaucoup plus agréable et ouvert. La version « Mix » (Audio 2) est dure, résonante et artificiellement colorée.

Un point à souligner : les notes du compositeur signalent que les stems 2, 5 et 8 sont identiques dans les deux versions. Il semble qu’ils proviennent tous les trois d’une source pré égalisée, et qu’il n’a donc pas été jugé utile de les traiter au mixage. Poussés par la curiosité, nous écoutons ces trois stems hors du contexte global (Audio 3) :

Audio 3. Sommation des 3 stems pré égalisés.

Notre soupçon est confirmé : ces trois stems ont été pré égalisés de manière forcée, et sont résonants et agressifs.

Figure 2
Figure 2. Égalisation proposée pour le stem 1, version « Mix ».

Attaquons-nous maintenant à la masterisation de la version « Mix ».

7.2 Version « Mix », traitement des stems

Le stem 1 (Audio 4) manque de corps, tout en étant inutilement dur dans les hautes fréquences. La figure 2 montre l’égalisation proposée, dont on peut ensuite entendre l’application (Audio 5) :

Audio 4. Stem 1, version « Mix », avant égalisation.
Audio 5. Stem 1, version « Mix », après égalisation.
Figure 3
Figure 3. Égalisation proposée pour le stem 2, version « Mix ».

Le stem 2 (Audio 6) insiste sur les craquements, excessivement mis en valeur par une égalisation agressive dans le médium, et passe sous silence les autres éléments du stem, constitués d’une « mélodie » soutenue et une série de transitoires dans le bas médium. La figure 3 montre l’égalisation proposée, dont on peut ensuite entendre l’application (Audio 7) :

Audio 6. Stem 2, version « Mix », avant égalisation.
Audio 7. Stem 2, version « Mix », après égalisation.

Le stem 3 (Audio 8) est une de ces situations en EA où il est impossible de gagner : le son est en lui-même agressant, et toute tentative de l’adoucir aboutira à une perte d’énergie notable.

Figure 4
Figure 4. Égalisation dynamique proposée pour le stem 3, version « Mix ».
Il est important de comprendre que du point de vue de l’auditeur, aucune excuse stylistique ne saurait justifier une agression physique. Le mastering devra donc sacrifier dans ce cas une intention ponctuelle du compositeur, afin de sauver l’ensemble de la pièce, l’alternative étant que l’auditeur, excédé, a toutes les chances de presser « eject », pour n’y plus jamais revenir. Le recours à l’égalisation dynamique représente l’unique chance de sauvegarder une partie au moins de l’intention originale, en n’agissant qu’en fonction d’un seuil fixé. La  bande 2 est un gain de 6 dB à 268 Hz, gain dont 50 % est statique, et l’autre 50 % ne se produira que sous la valeur seuil. Les deux autres bandes fonctionnent à l’inverse : la partie dynamique de leur action, qui consiste à supprimer des hautes fréquences, n’agit qu’au dessus de la valeur seuil. Voici le détail de cette intervention (Audio 8, Fig. 4 et Audio 9) :

Figure 5
Figure 5. Égalisation dynamique proposée pour le stem 4, basse électrique.
Audio 8. Stem 3, version « Mix », avant égalisation.
Audio 9. Stem 3, version « Mix », après égalisation dynamique.

Le stem 4 est un son de basse électrique dont le principal défaut est la timidité (Audio 10). L’égalisation, à 100 % dynamique sur les quatre bandes, propose deux gains au dessous du seuil, @ 40 et 335 Hz, une coupure au dessus du seuil @ 73 Hz, et un gain au dessus du seuil @ 1.75 KHz (Fig. 5 et Audio 11).

Audio 10. Stem 4, basse électrique, avant traitement.
Audio 11. Basse électrique du stem 4, après égalisation dynamique.
Figure 6
Figure 6. Égalisation proposée pour le stem 5, version « Mix ».

Le stem 5 (Audio 12) est encore le produit d’une de ces égalisations destructrices combinant le masquage d’éléments structurants et la mise en valeur de composants bruitistes et agressants. L’égalisation sera statique et tentera de redonner corps et naturel au son (Fig. 6 et Audio 13).

Audio 12. Stem 5, version « Mix », avant égalisation.
Audio 13. Stem 5, version « Mix », après égalisation.

Le stem 6 est mince, peu efficace, tout en accaparant dans le mixage une place trop importante (Audio 14). Lui redonner du corps risque d’amplifier ce dernier problème.

Figure 7
Figure 7. Égalisation stéréo proposée pour le stem 6, version « Mix ».
La seule solution est donc de l’amincir, tout en cherchant à favoriser les côtés aux dépends du centre par une égalisation différente à gauche et à droite. Le résultat est mitigé (Fig. 7 et Audio 15).

Audio 14. Stem 6, version « Mix », avant égalisation.
Audio 15. Stem 6, version « Mix », après égalisation stéréo.
Figure 8
Figure 8. Égalisation dynamique proposée pour le stem 7, version « Mix ».

Le stem 7 est à la fois agressant et statique (Audio 16). Il est en outre dominé par le médium et le haut médium. L’égalisation dynamique crée du mouvement, met en valeur le bas médium et les basses fréquences, restreint le haut médium, toutes mesures qui aboutissent à mettre les aiguës en valeur sans y avoir touché (Fig. 8 et Audio 17).

Audio 16. Stem 7, version « Mix », avant égalisation.
Audio 17. Stem 7, version « Mix », après égalisation dynamique.
Figure 9
Figure 9. Égalisation statique proposée pour le stem 8, version « Mix ».

Le stem 8 (Audio 18) est trop vitreux, pas assez métallique, et encore une fois trop mince. Voici l’égalisation proposée (Fig. 9 et Audio 19) :

Audio 18. Stem 8, version « Mix », avant égalisation.
Audio 19. Application de l’égalisation sur le stem 8, version « Mix ».

7.3 Version « Mix », traitement global

Figure 10
Figure 10. Réajustement du niveau des stems 2 à 6 de la version « Mix ».

La simple addition des stems 1 à 8 de la version « Mix » après les traitements ci-dessus (Audio 20) se révèle déjà moins crispée et plus ouverte que l’original (Audio 2), mais ne donne pas encore satisfaction, loin s’en faut : l’ensemble demeure brouillon, dominé par les hautes fréquences, l’espace est aplati et les plans sont surchargés. Un réajustement du niveau des stems les plus envahissants, dont on peut visualiser les détails à l’aide de la capture d’écran de la figure 10, donne déjà du naturel et de la profondeur, mais aux dépends du volume apparent (Fig. 10 et Audio 21).

Audio 20. Tous les stems de la version « Mix », après traitement.
Figure 11
Figure 11. Égalisation générale de la version « Mix », après traitement et réajustement des niveaux. La bande « Mid2 » est seule active.
Audio 2. Tous les stems de la version « Mix », état initial.
Audio 21. Tous les stems de la version « Mix », après traitement et réajustement des niveaux.

Le problème du volume apparent va nécessiter une intervention au niveau du master. Une égalisation générale coupant encore dans les aiguës (-3 dB @ 4,85 kHz; 2 octaves) est d’abord appliquée (Figure 11).

Cette égalisation est suivie d’une légère compression / expansion multibande et d’une limitation de type « mur de brique ». Le résultat final est Audio 22, suivi encore une fois de l’original, Audio 2 :

Audio 22. Version « Mix », masterisation finale.
Audio 2. Tous les stems de la version « Mix », état initial.

On pourra noter qu’en comparaison avec le point de départ (Audio 2), ce résultat final (Audio 22), dont le son général est plus confortable, mieux balancé au niveau du profil fréquentiel et de l’espace, présente une balance entre les éléments constituants qui est très différente de l’original. Il faut rappeler ici que les stems de cet original ont été systématiquement égalisés pour favoriser le haut médium et les aiguës, situation impossible à corriger sérieusement sans compromis au niveau du contenu. Il n’y a pas de miracle : s’il faut redonner au bas médium un rôle raisonnable dans la balance globale, cela ne pourra se faire avec les stems dont le bas médium a été extirpé… Le travail qui suit, au niveau des stems « Source », qui sont, rappelons-le, non égalisés, révèlera peut-être une solution plus à même de préserver à la fois le contenu d’origine et le confort d’écoute.

7.4 Version « Source », comparaison initiale

Nous ne pouvons pas comparer directement l’état initial de l’ensemble des stems « Source » avec notre résultat final de la version « Mix » (Audio 22), parce que les volumes apparents sont trop différents. Pour obtenir un point de comparaison plus valable, nous avons soumis l’ensemble des stems « Source » aux traitements master de la version « Mix ». Audio 23 est le résultat de cette opération, pour le moins instructive :

Audio 22. Version « Mix », masterisation finale.
Audio 23. Tous les stems de la version « Source », avant traitements individuels mais avec les traitements master de la version « Mix ».

Ainsi, il aura fallu un processus, complexe et laborieux, de traitement stem par stem pour obtenir un résultat presque aussi ouvert que ce qu’on aurait obtenu simplement en se contentant de ne pas égaliser à l’étape du mixage? Dans ce cas, pourrait-on essayer de pousser plus loin l’expérience, pour tenter de découvrir jusqu’où cette version « Source » pourrait nous mener en terme de qualité?

Figure 12
Figure 12. Égalisation du stem 1, version « Source ».

7.5 Version « Source », traitement des stems

Rappelons tout d’abord que les stems 2, 5 et 8 ayant été reconduits tels quels entre la source et le mixage, il leur sera appliqué les mêmes exacts traitements individuels que pour la version « Mix ». Ils ne sont donc pas mentionnés dans cette section.

Le stem 1 (Audio 24) est bruyant, et présente, dans de moindres proportions, les mêmes défauts que sa version « Mix ». On lui appliquera donc un réducteur de bruit, suivi d’une version « allégée » de l’égalisation de la version « Mix » (Fig. 12 et Audio 25).

Figure 13
Figure 13. Égalisation du stem 3, version « Source ».
Audio 24. Stem 1, version « Source », avant traitements.
Audio 25. Stem 1, version « Source », après traitements.

Le stem 3 (Audio 26) ne nécessite qu’un léger adoucissement dans les aiguës, et un nettoyage dans les graves (Fig. 13 et Audio 27).

Audio 26. Stem 3, version « Source », avant égalisation.
Audio 27. Stem 3, version « Source », après égalisation.
Figure 14
Figure 14. Égalisation dynamique réduite pour la basse électrique en version « Source ».

Sur les quatre bandes dynamiques que requérait la basse électrique du stem 4 dans sa version « Mix » (voir Fig. 5),

Figure 5
Figure 5. Quatre bandes d’égalisation dynamique pour la basse électrique en version « Mix ».
on n’en a conservé qu’une pour la version « Source » (Fig. 14). Audio 28 est la basse électrique « Source », tandis qu’Audio 29 est le résultat de l’égalisation réduite.

Audio 28. Basse électrique, version « Source », avant égalisation.
Audio 29. Basse électrique, version « Source », après égalisation dynamique réduite.
Figure 7
Figure 7. Égalisation stéréo proposée pour le stem 6, version « Mix ».

Le stem 6 baignait, dans la version « Mix », dans une réverbération qui assurait la transition entre les trois principales masses sonores de la section, au prix, on l’a vu, d’un envahissement du paysage acoustique tel qu’il avait fallu l’amincir sévèrement (voir Fig. 7).

Après essai, la solution retenue ici (Audio 30), sera tout simplement de ne rien faire : ni réverbération, ni égalisation.

Audio 30. Stem 6, version « Source ». Aucun traitement ne sera appliqué.

Le stem 7 est, lui aussi, correct en soi. Il est intéressant de le comparer à ce que sa version « Mix » est devenue après égalisation : il semble encore une fois que, sans le savoir, et comme pour la comparaison globale du point 7.4, cette égalisation ait essentiellement eu pour effet de... retourner à l’état original, non égalisé!

Comparons donc l’égalisation de la version « Mix » (Audio 17) avec la version « Source » (Audio 32) non traitée :

Audio 17. Stem 7, version « Mix », après égalisation dynamique.
Figure 15
Figure 15. Réajustement du niveau des stems 2 à 5 de la version « Source ».
Audio 31. Stem 7, version « Source ». Aucun traitement nécessaire.

7.6 Résultat final

Les traitements individuels sont terminés. Nous en sommes à l’étape réajustement du niveau des stems (Fig. 15).

Le traitement au master est conservé à l’identique, à l’exception d’un relèvement du gain général de 3 dB avant limitation, pour obtenir un niveau subjectif raisonnable. Le résultat, qui est la masterisation finale de la version « Source » (Audio 32), est à comparer avec la masterisation finale de la version « Mix » (Audio 22), et bien sûr avec l’état initial de l’extrait, soit la version « Mix » avant masterisation :

Audio 32. Version « Source », masterisation finale.
Audio 22. Version « Mix », masterisation finale.
Audio 2. Tous les stems de la version « Mix », état initial.

La version « Source » masterisée (Audio 32) est non seulement plus ouverte, plus confortable et dotée d’un impact bien supérieur par rapport à la version « Mix » masterisée (Audio 22), mais elle semble aussi en comparaison beaucoup moins colorée et bien plus proche des intentions manifestes dans l’original, tout en étant d’un confort sonore non négligeable. C’est la seule version à même de permettre aux auditeurs de profiter de l’ambiance générale tout en se concentrant à loisir sur le luxe de détails contenus dans l’extrait, et mis à jour par ce travail.

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