eC!

Social top

English

La synthèse musicale inspirée de la physique des instruments de musique

Considérations techniques et musicales

[Click image to enlarge]

La connaissance de la physique des mécanismes de la production du son n’est pas seulement utile au savoir pur, aux scientifiques ou aux ingénieurs. Au contraire, ce savoir est, par exemple, utilisé dans l’élaboration d’instruments de musique synthétiques. Selon la plateforme de travail, le compositeur de musique électronique pourra lui-même paramétrer les instruments synthétiques. Au bout du compte, ces connaissances se manifestent peut-être même dans la production de certains albums que vous ne croyiez pourtant pas si synthétiques. C’est justement parce que, dans leurs usages les plus communs, les nouveaux instruments synthétiques imitent, de leur mieux, les instruments acoustiques naturels.

Voyons, d’un point de vue général et relativement simplifié, comment cette migration des connaissances opère. Cette revue présente conjointement quelques théories vulgarisées des instruments naturels et de leur représentation synthétique dans un univers informatique. En guise de supplément, une brève revue des implications musicales de la modélisation physique et des avenues de recherche est finalement présentée. Le lecteur est prié de considérer cet article comme une revue simplifiée.

Qu’est-ce que le son?

[Click image to enlarge]

Le son n’est rien d’autre que la vibration de l’air ambiant. Cette vibration se traduit par de faibles oscillations de pression acoustique, de densité et de température. Le bruit se propage avec une certaine vitesse, un peu comme les vagues à la surface de l’eau. On note, par contre, une différence majeure entre les vagues de son et les vagues à la surface de l’eau : les vibrations de l’air correspondent à des oscillations de densité et non pas à des mouvements transverses comme les vagues sur l’eau (voir figure à droite). Les oscillations acoustiques impliquent des mouvements longitudinaux, soit selon la direction de propagation du son. Au sein de l’histoire de l’acoustique, différents penseurs et scientifiques ont imaginé le son comme des particules ou des petits grains de son. À la lueur des connaissances actuelles, on sait hors de tout doute que ce n’est évidemment pas le cas. Malgré son imperfection, c’est l’analogie avec les vagues à la surface des eaux, soit une réalité macroscopique visible, qui a aidé à la démystification de la nature du son et de la notion d’onde acoustique.

Si l’acoustique et le son décrivent des oscillations de l’air, ou d’un autre milieu de transmission similaire, ils dépendent aussi des vibrations des corps solides. Ainsi, à titre d’exemple, les oscillations sonores de l’air sont quelquefois transmises à notre organe auditif : l’oreille. À l’inverse, en ce qui concerne la production du son par un objet, soit une famille de phénomènes qui inclut les instruments de musique, on se doute bien que, contrairement à l’ouïe, ce sont les vibrations de corps solides qui se transmettent à l’air.

La production du son

[Click image to enlarge]

De façon générale, une vibration d’air est causée par la transmission d’une vibration d’un corps solide à l’air ambiant. L’exemple le plus simple est celui d’un objet que l’on frappe. Cette impulsion engendre de complexes vibrations au sein du corps solide. Puisque les surfaces du corps en question sont en mouvement, l’air voisin se met aussi en mouvement. Cette relation de cause à effet, banale en apparence, est des plus importantes puisqu’elle formule une exigence de continuité du mouvement à l’interface du fluide et du corps. C’est-à-dire que si cette relation n’était pas satisfaite, un vide matériel serait admis entre la surface du corps et l’air ambiant. La production du son opère ainsi. À l’inverse, notre tympan entre en mouvement lorsque les oscillations acoustiques appliquent sur lui une force issue de la pression sonore pariétale (rappelons que la pression correspond à une unité de force par surface).

Un autre exemple de mécanisme de production de son intéressant est celui de la voix puisqu’il illustre spécifiquement une généralité quant à la production du son par les instruments de musique. Dans le cas de la voix, plus spécialement l’émission de voyelles, une source d’excitation est produite par les cordes vocales puis filtrée (colorée en fréquence) par la forme de la gorge, de la langue et des lèvres. Déjà, cet exemple simple introduit d’importantes notions : l’excitation d’un système mécanique et la réponse en fréquence, qui filtre l’excitation, du système mécanique en question soumis à l’excitation. Considérons maintenant un exemple simple : une plaque rectangulaire dans l’air ambiant.

Une plaque bruyante

[Click image to enlarge]

Avec une plaque mince que l’on pourrait frapper avec un objet quelconque, nous pouvons évidemment produire un son. Ce qui se passe est assez simple. La plaque ainsi frappée est d’abord stimulée par l’impulsion du choc (de la même façon qu’une corde de piano est frappée par un marteau, c’est l’excitation du système; comme pour la voix).Cette impulsion éveille la dynamique vibratoire de la plaque qui se met alors en mouvement. Les vibrations sont de très petits mouvements.Petits, mais suffisamment importants pour que les vibrations de l’air ambiant se laissent percevoir par nos oreilles. Selon la forme et le matériau de la plaque, cette dernière présentera des vibrations caractéristiques qui dépendent de la fréquence et de la position sur la plaque. Ce phénomène vient du fait que la plaque doit respecter certaines réalités physiques, comme l’équilibre des efforts mécaniques dans la plaque par exemple. Le son sera, quant à lui, produit par transmission puisque l’air adjacent à la surface de la plaque doit suivre le fin mouvement de la plaque. Ce qui est intéressant, c’est que, bien souvent le rayonnement acoustique d’une source étendue spatialement comme cette plaque peut être représenté comme l’accumulation des rayonnements de sources ponctuelles simples qui couvriraient la surface extérieure de la plaque et qui présenteraient un déplacement de volume d’air similaire à celui de la plaque au point considéré. Cette accumulation du rayonnement acoustique produit le caractère directif (amplitude rayonnée en fonction de la direction et de la fréquence) du rayonnement. Et voilà donc pour la production de bruit par une plaque frappée.

L’intérêt principal de ces connaissances pour de potentielles applications de synthèse, c’est que des théories nous permettent de prédire les comportements de la plaque en vibration et de l’air environnant la plaque.

Une conceptualisation du son

[Click image to enlarge]

Dès le départ, nous avons mentionné l’existence de connaissances ayant pour sujet le son et sa production. Avant de poursuivre avec la synthèse, considérons sommairement la forme de telles connaissances physiques.

Cette science du son, soit l’acoustique en tant que savoir, et des vibrations prend d’abord l’aspect d’une vaste théorie ondulatoire qui s’exprime sous la forme de théories symbolisées par des expressions mathématiques (considérez l’illustration à droite pour des exemples simples). L’ensemble de ces équations représente différentes réalités physiques du son ou des vibrations d’objets. En jouant avec la théorie, il est possible d’appliquer ces relations à des cas spécifiques comme un instrument de musique donné par exemple. Cette spécification provient essentiellement des matériaux et des géométries considérés.

En synthèse musicale, on s’intéresse aux connaissances théoriques de l’acoustique et des vibrations pour représenter mathématiquement, ou numériquement pour préciser, un instrument de musique.

D’un concept physique à une synthèse

[Click image to enlarge]

Précisons concrètement cette précédente idée. En pratique, l’ordinateur et l’informatique me permettront de calculer ou de simuler les fameuses équations qui représentent conceptuellement un instrument de musique (comme une corde tendue par exemple).

Avec cette puissante calculatrice, il sera donc possible de simuler numériquement — avec plus ou moins de simplifications — quel bruit serait produit par un tel instrument physique fictif. Le son synthétique est donc créé en respectant les lois physiques, sous l’action de quelques simplifications, de l’acoustique et des vibrations. C’est pour cette raison que ce type d’instruments est des plus réalistes en comparaison avec d’autres méthodes de synthèse musicale qui se basent essentiellement sur l’électronique (on pense aux anciens, mais nullement caducs, synthétiseurs analogiques) et le traitement de signaux numériques (aux temps originaux de la synthèse numérique par exemple).

À ce niveau initial du processus de conception de synthèse physique, une foule d’avenues différentes peuvent être privilégiées dans la production d’un instrument synthétique par modélisation physique. Ces possibilités interviennent essentiellement aux niveaux des hypothèses (simplifications fonctionnelles, simplifications géométriques) et de la réalisation numérique de la synthèse. Plus souvent qu’autrement, le concepteur ou le compositeur sera en face de plusieurs compromis : réalisme versus temps de calcul ou réalisme versus originalité par exemple.

Ainsi, pour la modélisation d’une guitare, plusieurs choix devront être faits : six cordes indépendantes ou six cordes couplées (qui s’influencent mutuellement)? Le signal monophonique produit est-il la simple vibration d’un point de la corde ou la contribution totale de la corde en un point de l’espace environnant? Le son sera-t-il produit en temps réel ou en rendu préliminaire? Rapidement, le réalisme accroît la complexité de réalisation du synthétiseur et les exigences de calculs. Et attention, ces quelques archétypes de questions n’ont même pas effleuré l’aspect du traitement des signaux.

Des synthèses physiques

[Click image to enlarge]

Portons notre attention sur un nouvel exemple pratique. Supposons que le mécanisme responsable de la production d’un son naturel soit bien connu — ce qui est le cas avec une corde de guitare ou une colonne d’air (voir figure à droite) —, il est possible de tirer profit de cette connaissance pour produire un synthétiseur.

Encore une fois, le créateur bien informé pourra, à l’aide des modèles physiques de vibration et d’acoustique, produire une synthèse qui sera contrôlée par le biais de paramètres simples et significatifs (dimensions de l’objet, matériaux, etc.). Qui plus est, il sera possible d’établir des liens plus intuitifs avec l’instrument lorsqu’on tentera de performer musicalement en temps réel avec l’objet virtuel en question. Avec la croissante puissance de calcul des ordinateurs, de nouvelles synthèses physiques de plus en plus complexes et réalistes sont mises en œuvre.

Souvent, l’instrument à modéliser pourra être divisé en parties simples géométriquement. Dans le cas illustré à droite, le physicien de l’acoustique pourrait être outré par les simplifications introduites pour une clarinette mais la précision et la sensibilité de son oreille pourront être plus facilement trompées par ces approximations. Bien souvent, les synthétiseurs physiques reçoivent deux critiques précises par les auditeurs plus ou moins experts. D’abord, le réalisme, plus difficile à reproduire, du jeu et de ses subtilités trahit le synthétiseur plus que le réalisme du son en lui-même. Puis, le réalisme des transitoires comme l’attaque et le relâchement n’est pas assez naturel. Ce sont des sujets de recherche actuels.

Le caractère d’un son

[Click image to enlarge]
[Click image to enlarge]

Lorsque l’occasion nous est donnée d’ouïr une sonorité, plusieurs adjectifs peuvent la décrire. Si l’on s’attarde plutôt à une description méthodique d’un son (mais néanmoins simpliste pour le spécialiste ou le chercheur), nous parlerons principalement de timbre spectral et d’enveloppe temporelle.

Le timbre d’un son est essentiellement caractérisé par les fréquences qu’il contient, on pense aux composantes graves et aiguës. Ce timbre est essentiellement défini par les résonances propres au corps vibrant ou aux vibrations acoustiques de l’instrument (comme pour le tube ou la colonne d’air des instruments à vent). L’enveloppe d’un son décrit la forme de son amplitude dans le temps. Un son long sera produit par un instrument métallique et un son plus court sera produit par un morceau de bois par exemple. Dans le bois, l’énergie vibratoire se dissipe plus rapidement que dans les métaux, ce qui explique cette différence d’enveloppe temporelle. L’amortissement propre d’un matériel n’est pas le seul paramètre qui influe la durée de l’enveloppe. En fait, la nature de l’excitation sera aussi influente. Dans le cas d’une excitation stationnaire et continue (comme pour l’archet en mouvement sur une corde tendue), l’enveloppe présentera un plateau temporel correspondant au régime stationnaire du jeu de l’archet.

Connaissant ces caractéristiques audibles, mesurables et même quantifiables du son pour différents instruments acoustiques, il est possible d’utiliser une tout autre méthode de synthèse, on parle en fait de synthèse imitative. Méthode, cela étant dit, explorée avant la modélisation physique.

Des synthèses imitatives

[Click image to enlarge]

Supposons que l’on désire reproduire synthétiquement un son par le biais d’un calcul réalisé avec un ordinateur. Supposons de plus que la nature du mécanisme physique générant le son naturel n’est, cette fois, pas connue mais que le caractère du son (timbre et enveloppe) soit bien connu. Dans cette situation, il est possible de trouver une façon d’imiter le caractère du son. Les exemples les plus courants sont la synthèse additive, la synthèse soustractive ou même la synthèse FM (« Frequency Modulation » pour modulation fréquentielle).

Sur la figure, on peut voir que l’addition de composantes simples (trois fréquences pures et un bruit à large bande) permettent d’imiter, humblement, un timbre.

Des éléments de synthèse

[Click image to enlarge]

La synthèse informatique bénéficie de toutes les connaissances actuelles au sujet du traitement numérique des signaux, des signaux sonores dans notre cas. Les outils de synthèse incluent plusieurs éléments comme des filtres, des lignes de délais, des oscillateurs et des amplificateurs. À un niveau plus élémentaire, même un filtre n’utilise que de lignes de délai (mémoire), d’additions et de multiplications (opérations). Soit de simples mais puissants outils qui permettent de mettre en œuvre plusieurs concepts physiques de la production du son par les instruments de musique. Et pour les musiciens enthousiastes, une panoplie de logiciels de synthèse physique modulaire sont disponibles et plutôt simples d’utilisation. Ces outils de synthèse couvrent parfois la synthèse classique, la synthèse imitative et la synthèse physique. Une foule de possibilités sont là, disponibles à tout exercice de créativité.

Les réalisations pratiques (algorithme, circuiterie dédiée, etc.) de la synthèse physique ne trouvent pas toujours une correspondance exacte avec la physique de l’instrument représenté. En effet, la résolution numérique des équations représentatives des vibrations des matières n’est que rarement utilisée en modélisation physique. Des correspondances numériques, comme des guides d’ondes, seront plutôt utilisées au stade de la réalisation numérique de la synthèse. Ainsi, suivant cet exemple d’analogie pour produire une superposition de sinus harmoniques décroissants, on pourrait soumettre un réseau parallèle de filtres résonant du second ordre à une seule et commune impulsion. Chaque filtre oscillera à sa fréquence de résonance et la durée de leur oscillation respective sera définie par l’ampleur de la résonance (le facteur de qualité du filtre). Exactement comme pour une plaque soumise à une impulsion : chaque mode de vibration de la plaque répondra à sa fréquence de résonance. Si les fréquences de résonance des filtres sont calculées selon les fréquences de résonance d’une plaque, la suite d’harmoniques sera plus naturelle. Cet exemple peut facilement être produit avec CSound, Pure data ou Max/MSP, la synthèse physique est donc abordable pour le compositeur qui possède un minimum de connaissances pour l’usage de telles plateformes.

D’autres outils commerciaux (synthétiseurs réels ou virtuels) plus simples d’utilisation sont disponibles mais souvent moins flexibles. De nouveaux produits de type « DSP (Digital Signal Processing) hardware » sont maintenant sur le marché. Sans mentionner de marques, on note l’apparition d’un système externe qui permet la production de ces propres algorithmes de traitement des signaux sur PC en C++. Une fois l’algorithme produit, ce dernier peut être téléchargé sur le système externe dès lors indépendant et autonome.

Ouvertures sur les recherches plus récentes en synthèse

[Click image to enlarge]

Chercheurs, praticiens et compositeurs explorent de nouvelles possibilités pour la synthèse physique pour plusieurs raisons. Ces recherches et expérimentions se retrouvent souvent à la croisée de quelques disciplines bien établies mais néanmoins novatrices. On pense plus ou moins automatiquement à l’usage des techniques d’intelligence et d’évolution artificielles, ou même à l’utilisation d’automates cellulaires, dans un contexte de synthèse audio en parallèle avec des théories musicales ou de la perception de la musique; mais ce n’est pas tout.

Ainsi, l’ensemble de ce qui fut abordé précédemment dans ce bref article a couvert l’aspect temporel (ou fréquentiel) de la synthèse physique, soit produire un signal monophonique (ou une série de canaux plus ou moins corrélés) qui présente conséquemment, espérons-le, un réalisme accru en se basant sur la physique des instruments de musique réels. Au-delà du caractère temporel ou fréquentiel de l’expérience auditive ou musicale, il y a l’espace. Sujet à de vives explorations, on parle souvent de spatialisation. Dans cette veine, depuis une dizaine d’années environ, maintes nouvelles recherches portent sur la synthèse de la directivité ou même sur la synthèse de champs acoustiques pour la spatialisation audio ou le réalisme spatial de la reproduction. Cette fois, la qualité spatiale d’un son est considérée au stade de la reproduction ou de la synthèse.

Dans le cas de la synthèse de la directivité, une source réelle est créée avec une directivité variable et habituellement contrôlable par le biais de traitement des signaux en amont de la source réelle. On pourrait ainsi imiter la directivité d’un instrument donné avec une telle source à directivité variable. Cette nouvelle avenue, explorée comme un élément autonome, suggère de futures usages des plus intéressants en la combinant avec la modélisation physique telle que décrite plus haut. Il serait ainsi possible d’alimenter une source acoustique réelle à directivité synthétique par un modèle physique synthétique; l’ensemble supputerait donc une directivité plus ou moins fidèle, réaliste ou purement originale à celle d’un haut-parleur conventionnel. Cette tendance s’inscrit dans l’axe de recherche, pas si jeune, des concerts de haut-parleurs.

En ce qui concerne la synthèse de champs acoustiques (ou la synthèse spatiale), on ne se contente plus de reproduire un signal à la sonorité naturelle. On cherche plutôt à reproduire un champ acoustique variable sur un espace étendu. Avec une telle application, qui nécessite habituellement un important réseau de sources réelles, on pourra par exemple émuler une salle de concert ou un espace anéchoïque avec différents types d’ondes virtuelles simples (ondes planes, ondes sphériques — voir figure de droite). Des sources virtuelles à « l’extérieur » des sources de reproduction peuvent même être produites à l’aide de différents moyens physiques et technologiques. Les scènes résultantes peuvent être des plus complexes et même dynamiques dans le cas de sources virtuelles mouvantes. Au-delà des techniques d’audio multivoies conventionnelles (systèmes à plusieurs haut-parleurs, création manuelle d’images fantômes, etc.), la recherche s’applique à la reproduction objective (et non pas subjective) des qualités physiques d’un champ acoustique (Gauthier et al., 2004).

Des formats de donnée structurés comme MPEG-4 et le raffinement des actionneurs (visuels, audio, tactiles) pour une virtualité toujours plus enveloppante vont changer la pratique de la production audio spatiale et la synthèse en musique. Ils favoriseront la description de la synthèse et de ses algorithmes puisque le format MPEG-4 peut, contrairement au format MIDI, transmettre de l’information sur des algorithmes de synthèse à utiliser ou même sur la description spatiale de scènes virtuelles (position des sources, etc.) [Cook 2002].

Reproduction d’un champ acoustique virtuel (« virtual source ») à l’aide de sources de reproduction réelles (carrés) [Gauthier et al., 2004].

Modélisation physique et musique de création

Si les précédentes sections ont essentiellement porté sur l’introduction des techniques de modélisation physique en synthèse, il n’en demeure pas moins que les implications propres à l’usage de la synthèse par modélisation physique ne se limitent pas à la technique. Des notions propres à la musique et à sa composition sont souvent évoquées par le compositeur qui sollicite l’usage des modèles physiques pour la génération de sons, aussi variés qu’ils soient. Que ces notions touchent conceptuellement ou sensuellement le compositeur, elles existent et sont sujettes aux débats et aux études dans le domaine (Castagne et al., 2004).

Historiquement, la recherche en musique électronique synthétique a débuté avec des sonorités essentiellement abstraites qui se dérobaient aux contraintes physiques des instruments acoustiques réels. Il semble qu’à ce moment de l’histoire, maints créateurs de musique se réjouissaient de quitter lesdites contraintes physiques pour un univers musical délivré, abstrait. Rapidement, les outils de synthèse abstraite sont piratés comme outils de synthèse imitative en tentant d’évoquer, ou d’imiter, des sonorités plus naturelles, plus représentatives d’une certaine cohérence physique ondulatoire. Suivant cette translation des discours et démarches, on constate dès lors que la physique acoustique et les contraintes inhérentes aux instruments acoustiques, initialement rejetées par la synthèse abstraite, nous parlent intimement de l’expérience musicale. Ces contraintes s’avèrent peut-être même difficilement dissociables de l’expérience sonore ou musicale. Par ces remarques, je prends garde de ne pas dénigrer la musique de synthèse abstraite : il n’est question que de faire valoir une certaine possibilité quant à l’attraction que peut, ou qu’a pu susciter l’usage des modèles physiques en musique de création.

Progressivement, la modélisation physique (la quête du réalisme en synthèse sonore) prend une place considérable dans l’avant-garde de la synthèse créative ou originale. Au fur et à mesure que le réalisme obtenu devient de plus en plus important, une nouvelle tendance se démarque. Ainsi, au-delà de la qualité et du réalisme du son obtenus par la modélisation physique, le désir de représentation ou, plus précisément, de métaphorisation n’attire-t-il pas les compositeurs qui se penchent — par attraction intuitive ou par intérêt conceptuel — sur la modélisation physique? Il est probable que la réponse soit affirmative, du moins pour une fraction des cas.

À l’heure actuelle et dans cet ordre d’idée, il n’y a pas que la PM (« Physical Modeling », la modélisation physique telle que décrite depuis le début de cet article) en recherche du réalisme parfait, on parle aussi de PBM (« Physically-Based Modeling »). On note d’ailleurs, selon Castagne et al., que ces termes évoquent certaines confusions tant au niveau de ce qu’ils désignent qu’au niveau historique. En adhérant aux propos de Castagne, on note que la recherche du réalisme ne propose pas de réelles ouvertures créatrices. Ainsi s’expliquent la définition et l’intérêt du PBM : une synthèse qui évoque une réalité acoustique ou physique mais qui ne représente pas un instrument réel spécifique, existant. Plus souvent qu’autrement, les environnements de travail PBM sont modulaires de telle sorte qu’un modèle synthétique est assemblé à partir d’éléments de modélisation physique. On pourra par exemple exciter une membrane (sa représentation numérique) par la sortie d’une anche (toujours sa correspondance numérique analogue). Quoique surréel, l’instrument résultant est porteur d’une cohérence physique. On pourra aussi alimenter un module de modélisation physique (comme une colonne d’air) par un signal audio enregistré. En PBM, la réalité acoustique cherche à s’étendre ou s’élargir au-delà de la nature acoustique de par l’opération des compositeurs qui œuvrent au sein de ce paradigme.

Ne négligeons pas la performance qui, pour plus d’un, demeure plus qu’essentielle en musique expérimentale. Ainsi, contrairement à la synthèse abstraite, essentiellement basée sur des architectures de traitement de signal, la modélisation physique (ou la PBM) multiplie les possibilités d’interface entre modèle et réalité d’un performeur. Le modèle peut être contrôlé par le biais de senseurs plus expressifs et plus musicaux (pressions, forces, tensions, cordes frappées avec capteurs, etc.). Soit quelques autres caractères qui expliquent le légitime engouement pour la PM ou la PBM.

Conclusion

[Click image to enlarge]

Ici s’achève cette initiation au vaste sujet qu’est la synthèse musicale et la modélisation physique.

Cette succincte révision de l’usage des connaissances physiques des phénomènes vibratiles et acoustiques à des fins de synthèse musicale d’instruments naturels a été conçue pour illustrer les possibilités quant à l’usage des connaissances de la physique des vibrations et de l’acoustique pour la production de sonorités synthétiques. Plus que certains peuvent le croire, les outils nécessaires sont à la portée d’une importante fraction de compositeurs de musiques électroniques ou électroacoustiques. Sachez aussi, que certaines compositions importantes en modélisation physique ont impliqué un fructueux couplage (tant au niveau technique que musical et même au niveau conceptuel) entre compositeurs, programmeurs et acousticiens.

Pour plus d’informations sur la modélisation physique en synthèse, consultez les quelques références.

Références

La recherche en synthèse physique actuelle va bien au-delà de cette courte introduction. Pour en savoir plus, considérez les quelques ouvrages suivants. Dans tous les cas, ces ouvrages nécessitent quelques connaissances en vibration, en acoustique, en programmation ou en traitement de signal.

Boulanger, Richard. The Csound Book: Perspectives in Software Synthesis, Sound Design, Signal Processing and Programming. MIT Press, 2003.

Castagne, Nicolas, Claude Cadoz and Jean-Loup Florens, “Physical Modeling and Music vs. Physically-Based Modeling and Acoustics.” ICA 2004. Proceedings of the 18th International Congress on Acoustics (Kyoto, Japon, 2004).

Cook, Perry R. Real Sound Synthesis for Interactive Applications. A.K. Peters, 2002.

Ducasse, Eric. “A Physical Model of a Single-Reed Wind Instrument, Including Actions of the Player.” Computer Music Journal 27/1 (Spring 2003) “Allusion, Expression, and Physical Models,” pp. 59–70.

Gauthier, Philippe-Aubert, Alain Berry, Wieslaw Woszczyk. “Sound Reproduction Using Active Control Techniques: Simulations in the Frequency Domain.” ICA 2004. Proceedings of the 18th International Congress on Acoustics (Kyoto, Japon, 2004).

Polotti, Pietro and Gianpaolo Evangelista. “Fractal Additive Synthesis via Harmonic-Band Wavelets.” Computer Music Journal 25/3 (Fall 2001) “Fractal Additive Synthesis,” pp. 22–37.

Valimaki, Vesa. Mikael Laurson and Cumhur Erkut. “Commuted Waveguide Synthesis of the Clavichord.” Computer Music Journal 27/1 (Spring 2003) “Allusion, Expression, and Physical Models,” pp. 71–82.

La page personnelle de Philippe-Aubert Gauthier offre des hyperliens vers différents sites : http://www3.sympatico.ca/philippe_aubert_gauthier/acoustics.html

Pour apprécier le comportement ondulatoire du son, il est possible de réaliser ses propres simulations sur le site suivant : http://www.falstad.com/ripple. Une réalisation considérable qui mérite d’être soulignée.

Computer Music Journal offre régulièrement des articles qui concerne la modélisation physique ou sa performance, c’est une excellente référence abordable.

Voir aussi L’Histoire des instruments électroniques sur http://www.obsolete.com.

Illustrations : Philippe-Aubert Gauthier, B.Ing., M.Sc.

Social bottom